Il reste des freins à la transition agricole
Si l’alimentation biologique rencontre un beau succès en France, plusieurs défis demeurent et l’obstacle principal du prix n’a guère évolué.
L’argent étant le nerf de la guerre, le prix de vente des aliments bio, qui demeure élevé, représente un défi conséquent. Difficile de démocratiser l’accès à une alimentation durable.
« Encore faut-il comparer avec ce qui est comparable, comme l’observe Florent Guhl, directeur de l’Agence BIO. Fin 2017, une étude de l’UFC-Que Choisir avait conclu que le bio multipliait par deux le budget, or l’Union fédérale des consommateurs ne prenait en compte ni le critère qualitatif, ni le fait que les aliments étaient produits localement. Avec ces paramètres, c’est 10% à 20% plus cher et non pas le double. »
Des prix encore trop élevés
Il faut également ajouter dans la balance les externalités négatives associées à l’agriculture industrielle et leur coût. D’autant que ce modèle est trois fois plus subventionné que l’agriculture biologique. A la demande du ministère de l’Agriculture, l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB), avec l’appui de l’Inra, a publié une enquête sur ce sujet en novembre 2016.
L’approche bio est très technique, or les formations manquent.
Conclusion : les externalités sont moindres en bio. L’ITAB chiffre même le coût de la dépollution de l’eau, à hauteur de 1 à 1,5 milliard d’euros par an, à cause des pollutions diffuses agricoles, à savoir les pesticides et les nitrates dus aux engrais.
Cette approche globale souligne ainsi un coût des dégâts de l’agriculture conventionnelle supérieur à ses bénéfices.
Un déficit de formation et de recherche
Autre obstacle à surmonter : face à la demande exponentielle des consommateurs, comment éviter d’avoir recours à l’importation et continuer à privilégier une agriculture de proximité inhérente à la bio ? L’enjeu consiste à changer d’échelle. « Non pas en agrandissant la taille des exploitations, conseille Florent Guhl, mais en se mettant en réseau, comme l’ont fait les producteurs de Biolait. »
Par ailleurs, l’insuffisance de formations adaptées est un autre frein au développement de l’agriculture biologique. Comme le souligne Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab : « L’approche bio est très technique, or les formations manquent et le déficit de recherche est flagrant, particulièrement sur l’équilibre microbien du sol. Aujourd’hui, on ne connaît que 1% de la microbiologie du sol, pourtant on sait que cela permet un équilibre global. »
Parmi les rares lieux de formation en France : la Ferme biologique du Bec Hellouin (Eure) accueille des visiteurs du monde entier désireux de se former à des techniques agricoles bio innovantes. Les agriculteurs sont confrontés à un autre écueil, celui de l’urbanisation des terres arables.
Selon le Syndicat des jeunes agriculteurs, chaque seconde, 26 mètres carrés de terre disparaissent. Au total, l’équivalent de la surface d’un département est, tous les sept ans, transformé en lotissements ou en zones d’activité commerciale.
Face à cette bétonisation, difficile pour les moins de 35 ans de s’installer. Une lueur d’espoir : la moitié des exploitants en conventionnel partiront à la retraite d’ici à 2020. Les agriculteurs en bio pourraient assurer la relève. Et ce, de façon durable.
Aude Raux