Face au terrorisme, les élus manquent de capacités d’action
De plus en plus sollicitées dans la lutte contre la menace terroriste, les collectivités évoluent cependant dans un cadre réglementaire limitant leurs compétences sécuritaires.
Signalement au préfet des lieux de culte soupçonnés d’islamisme radical, prise en charge des candidats au djihad par les services sociaux, participation au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT)… les élus font partie intégrante du dispositif mis en place dans le cadre de la loi antiterroriste du 30 octobre 2017.
Des dispositions « dérisoires qui se pratiquaient déjà ! » critique le maire de Cannes, David Lisnard (LR), qui appelle à « renforcer les capacités légales de travail de la police et des services municipaux ».
90% des premiers intervenants sont des policiers municipaux
L’édile de Sevran, Stéphane Gatignon (Parti écologiste), n’est pas de cet avis : « Quand on me signale une mosquée prônant des idées pro-Daesh, j’alerte le préfet, qui mobilise les services de renseignement, et ma part est faite. La radicalisation et le terrorisme ne relèvent pas des maires, ils en ont peur », estime-t-il, refusant de s’impliquer davantage dans cette compétence régalienne par excellence.
Le premier plan communal de prévention du risque terroriste
« Face à la déliquescence de l’État depuis trente ans, je suis pragmatique, soutient David Lisnard. Que faire lorsque les lieux de culte exposés les jours de grandes fêtes religieuses ne sont pas protégés par des agents de l’État, sinon y placer des policiers municipaux ? ».
Installation de boutons d’alarme dans les écoles et les crèches, achat de centaines de mètres de herses… Cannes s’équipe et a mis en place, en janvier 2016, un plan communal de prévention du risque terroriste, inédit jusqu’à présent en France. Son premier volet, le renseignement, mobilise les policiers municipaux, la vidéosurveillance et les collectifs de « voisins vigilants ».
L’autre volet concerne la formation à l’intervention. Un exercice de simulation d’attaque terroriste, conduit au printemps 2016, a montré que 90% des premiers intervenants sont des policiers municipaux. « Pas question de les exposer à un tel risque sans les préparer », explique David Lisnard, qui a décidé de les équiper d’armes automatiques et de gilets pare-balles.
Une vingtaine d’entre eux a même été formée par le Raid. Les quelque 200 policiers municipaux cannois ont aujourd’hui cinq fois plus de séances d’entraînement et de formation au tir que l’exigence légale pour la police nationale !
Des compétences communales étriquées
Les communes, pourtant de plus en plus sollicitées, évoluent dans un cadre réglementaire limitant leurs compétences. « Un microcosme soutient ce dogme idéologique selon lequel [elles] ne doivent pas se mêler de sécurité, s’agace le maire de Cannes. Il faut que les policiers municipaux, en accord avec le parquet, puissent procéder à des contrôles d’identité ! Il faut aussi pouvoir intégrer aux réseaux municipaux de vidéo-protection les données biométriques de personnes recherchées, par exemple un terroriste, avec des dispositifs de reconnaissance faciale. Cela s’est déjà fait lors du G20 [organisé à Cannes en novembre 2011, ndlr] ou de certaines manifestations, dans les espaces réservés aux supporters, mais sans encadrement. La loi doit suivre ce genre de pratiques pour défendre les libertés. »
Félicité de Maupeou