« Il y a trop d’entreprises dans le secteur, il faut faire un grand nettoyage ! »
Où en est la professionnalisation du secteur de la sécurité privée ?
Il y a encore beaucoup à faire. Il faudrait étiqueter les 4 000 entreprises du secteur avec différents niveaux de certification, leur permettant d’opérer sur des sites plus ou moins risqués.
Aujourd’hui, n’importe laquelle peut répondre aux appels d’offre, alors que parmi les 1 840 établissements contrôlés cette année par le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), la moitié ont reçu une sanction disciplinaire et 400 sont en interruption temporaire d’activité. Il y a trop d’entreprises dans le secteur, il faut faire un grand nettoyage !
Quant à la formation des agents, le Cnaps a enfin imposé, en 2016, une certification aux sociétés qui s’en chargent. Aujourd’hui, sur les 650 existantes, 418 sont agréées par l’institution. Autre progrès : depuis le 1er janvier, les agents renouvelant leur carte professionnelle (tous les cinq ans) doivent passer par un dispositif de maintien et d’actualisation des compétences (MAC) de 31 heures.
Si l’on veut attirer les jeunes, mais aussi d’anciens policiers et gendarmes, il faut monter en compétences et en rémunération.
Néanmoins, son financement – 1 000 euros par agent – n’a pas été anticipé par les organisations professionnelles. Il sera en grande partie assumé par les entreprises, qui subissent déjà des prix de prestation très bas, notamment de la part de leurs clients publics.
Qu’en est-il du recrutement ?
Le métier intéresse peu : il est mal payé, peu valorisé, et la profession n’est pas organisée pour offrir des possibilités de progression. Pour trouver 12 candidats à un module de formation, une société de formation a ainsi dû rencontrer 400 demandeurs d’emploi !
Si l’on veut attirer les jeunes, mais aussi d’anciens policiers et gendarmes, il faut monter en compétences et en rémunération.
Quid de votre collaboration avec les forces publiques ?
Elle existe déjà dans les centres commerciaux ou lors d’événements sportifs comme l’Euro de football, en 2016, durant lequel 13 000 agents de sécurité privée étaient mobilisés. Par ailleurs, la loi antiterroriste d’octobre 2017 a instauré des périmètres de protection, dont l’accès est souvent contrôlé par des forces privées.
On perçoit aujourd’hui une réelle volonté de pousser plus loin la coproduction. Une mission parlementaire doit ainsi définir les tâches qui reviennent précisément au privé et au public (lire page 18).
En outre, de nouvelles missions pourraient être privatisées dans l’avenir, telles que les gardes statiques devant les édifices publics, le transport de scellés, la garde de détenus hospitalisés, la protection de personnalités…
Tout cela donnera naissance à de nouveaux métiers plus exigeants. Reste à les définir et à mettre à jour les 24 fiches métiers du secteur qui datent de 2005 ! Celle d’agent détecteur d’explosifs n’existe pas, par exemple.
L’idée de déléguer la sécurité au privé fait-elle consensus aujourd’hui ?
Cela est devenu inéluctable pour les interlocuteurs publics et l’opinion l’a accepté. Seuls les corps de police et gendarmerie montrent des réticences. À nous de créer une relation de confiance avec eux en nous professionnalisant.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou
INFO +
Insatisfaites de la représentation syndicale du secteur, les sociétés Fiducial, Goron, ICTS, Prosegur, Securitas et Seris se sont regroupées, en 2017, au sein du Cercle de la sécurité privée. Il représente 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 40 000 emplois.