Les forces de l’ordre noyées sous la complexité des procédures pénales
«Pour une heure de terrain, un officier de police judicaire (OPJ), chargé des enquêtes de terrain, en passe six derrière son ordinateur, avec des procès verbaux de plus en plus complexes à taper.
À tel point qu’il est presque sûr de faire une erreur, sur laquelle les avocats s’appuieront ensuite pour annuler la procédure ! dénonce Jean-Michel Fauvergue, député LREM et ancien patron du Raid (unité d’élite de la police nationale). Mettre un suspect en garde à vue occasionne de 26 à 43 procès verbaux ! »
Résultat, le sens du métier s’effrite. « À la brigade criminelle de Paris, quand ils interpellent quelqu’un le matin, l’audition n’a lieu qu’à 17 heures en raison des multiples appels à passer aux magistrats, avocats, médecins… Aujourd’hui, cette brigade mythique, celle de Mégret, a du mal à recruter ! » déplore-t-il, pointant « la gravité de la situation ».
« Fin 2016, plusieurs centaines de policiers et gendarmes ont demandé à leur parquet respectif le retrait de leur habilitation à la fonction d’officier de police judiciaire. Cela n’a pas été fait, mais c’était une revendication forte symboliquement. »
73% des policiers et gendarmes souhaitent un « allégement des contraintes administratives »
Les réponses au questionnaire envoyé en novembre 2017 aux policiers et gendarmes dans le cadre de la nouvelle police de sécurité du quotidien confirment ce diagnostic : 73% des répondants souhaitent un « allégement des contraintes administratives » et deux tiers une réforme ambitieuse de la procédure pénale, jugée trop complexe.
Redonner de l’autonomie aux OPJ
Ce sera le but de la réforme présentée en juin prochain par le gouvernement. Pour l’inspirer, Jacques Beaume, procureur général, et Frank Natali, avocat au barreau de l’Essonne, ont été chargés de faire des préconisations à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, le 15 janvier dernier. Ils appellent à une plus grande autonomie d’action des OPJ vis-à-vis du juge.
Par exemple, lors des premières quarante-huit heures de garde à vue, pour des infractions commises dans le cadre de la délinquance organisée, les formalités pourraient être allégées, notamment en rendant facultative la présentation au parquet lorsqu’il s’agit de renouveler la mesure au-delà de vingt-quatre heures.
Autre piste : supprimer l’obligation d’une autorisation du procureur de la République pour que les officiers et agents de police judicaire puissent consulter les fichiers administratifs.
Un compromis à trouver entre la Justice et l’Intérieur
« Ces propositions sont intéressantes, réagit Jean-Michel Fauvergue, mais elles ne vont pas assez loin dans la simplification des actes judiciaires. Elles ont été faites pour le ministère la Justice par un représentant du barreau et un représentant des magistrats, mais le ministère de l’Intérieur aura aussi voix au chapitre. La réforme finale sera le fruit d’une négociation entre les deux. Il faut aller plus loin que ce qui est proposé actuellement. »
Félicité de Maupeou
Une politique de substitution
Sur la période 2018-2022, le gouvernement veut substituer 4 000 personnels des forces de l’ordre par des fonctionnaires issus des corps administratifs, techniques et scientifiques, afin d’effectuer des tâches administratives (500 par an pour la police, 300 par an pour la gendarmerie). Objectif : libérer du temps aux forces de l’ordre.