Le grand big bang du ferroviaire français
Déjà confronté à une situation économique périlleuse, le ferroviaire français devra bientôt faire face à un défi plus grand encore : l’ouverture à la concurrence.
C’est l’ensemble de la stratégie ferroviaire française qui doit être repensée, estime le gouvernement. Au menu, trois gros dossiers. Le premier est celui du modèle économique. A force d’avoir dû supporter le poids des chantiers de TGV, le gestionnaire d’infrastructures SNCF Réseau affiche une dette qualifiée par beaucoup d’insoutenable : 45 milliards d’euros, en hausse de 3 milliards chaque année.
L’Etat devra trouver une solution, alors que nombreux experts estiment qu’il devrait reprendre à son compte cette dette. Mais la démarche aurait un impact non négligeable sur les comptes publics.
Le gouvernement assure vouloir doter la SNCF d’une stratégie soutenable adaptée aux défis à venir.
Autre problématique, celle des péages. Confronté à des difficultés financières, SNCF Réseau ne cesse d’augmenter les tarifs des péages dont doivent s’acquitter les opérateurs faisant circuler des trains. La hausse apparaît désormais disproportionnée et difficile à supporter aux yeux des opérateurs et de l’autorité de régulation du secteur.
Surtout, SNCF Réseau table sur un redressement de sa situation grâce à la hausse de ses tarifs, qui s’accompagnera d’une hausse de la demande. Un principe économiquement discutable. Le deuxième enjeu est celui de la desserte du territoire. Le TGV passe par 200 villes de moins de 20 000 habitants. Et 70% des dessertes sont déficitaires. De quoi s’interroger sur la pertinence d’un tel système. Sauf qu’au moindre signe de remise en question, les élus sont vent debout.
Le dossier explosif de l’ouverture à la concurrence
L’ouverture à la concurrence constitue le dernier chantier. Les trains régionaux devront être ouverts à la concurrence au plus tard en 2023, les TGV, à partir de 2020. De quoi chambouler la SNCF, qui bénéficiait jusqu’à maintenant d’un monopole. Le sujet le plus explosif est celui du devenir des personnels.
La SNCF devra aussi batailler pour conserver des marchés, ce qui peut impliquer une remise en question de sa stratégie et de son fonctionnement. Pour faire face, il lui faudra accroître sa performance. Jamais simple pour une entreprise d’une telle taille.
Afin de mieux affronter tous ces bouleversements, le gouvernement a confié une mission à Jean-Cyril Spinetta. Charge à l’ancien PDG d’Air France-KLM de faire des propositions. Le 15 février dernier, il a rendu sa copie.
Certaines de ses préconisations n’ont pas manqué de faire réagir cheminots et élus : fin du statut pour les nouvelles embauches ; potentielle fermeture des petites lignes – représentant un tiers du réseau – dont l’intérêt socio-économique ne serait pas démontré ; concentration des moyens sur les parties les plus fréquentées du réseau, induisant une hausse de 400 millions d’euros de l’enveloppe annuelle pour l’entretien…
A l’heure où nous écrivons ces lignes, le gouvernement n’a pas exprimé d’avis. Il consulte l’ensemble des parties prenantes avant de rendre ses arbitrages.
Camille Selosse