Les projets d’infrastructures remis en cause
Décidée par le gouvernement, la remise en question de la politique des grands projets rencontre l’opposition des élus locaux, qui se sentent floués. Certains font un lobbying actif pour tenter de sauver leur dossier.
Le couperet est tombé en juillet dernier. Alors qu’il inaugure le même jour deux nouvelles lignes à grande vitesse, Emmanuel Macron décrète une « pause » sur les grands projets d’infrastructures de transport. La faute à un manque de moyens disponibles.
Dans la foulée, c’est le branle-bas de combat chez les élus locaux. Ils sont nombreux à avoir des projets en cours, sur lesquels l’Etat avait donné son accord, à défaut d’avoir pu confirmer les financements qui vont avec. Les premiers à se faire entendre sont les élus des Hauts-de-France. Ils défendent le projet de Canal Seine-Nord Europe.
Pour convaincre le gouvernement de maintenir le projet, ils proposent d’avancer l’argent pour 2018 et 2019, le temps que l’Etat se refasse une santé budgétaire, et de prendre en charge la garantie de l’emprunt. En échange, ils réclament le pilotage du projet. A l’automne, le gouvernement s’est montré favorable à l’idée.
Autre dossier sensible, les lignes à grande vitesse du Sud-Ouest, entre Bordeaux et Toulouse, et Montpellier et Perpignan. Les élus locaux n’en démordent pas et veulent voir les projets aboutir. Au ministère des Transports, on ne ferme pas complètement la porte, à condition que les collectivités s’engagent davantage.
Mais pour la ministre, la priorité n’est pas là. Lors de la clôture des Assises de la mobilité, Elisabeth Borne n’a pas soufflé mot concernant ces grands projets et a préféré mettre l’accent sur des investissements « vitaux » à ses yeux : la mise à niveau de routes nationales, parfois attendue depuis des décennies, comme à Prades (Ariège) ou Aurillac (Cantal), ou celle des lignes ferroviaires reliant des villes moyennes à une métropole et qui sont, pour certaines, pas loin d’être abandonnées.
Le COI doit aider à choisir
Afin de faire des choix, la ministre a installé un Conseil d’orientation des infrastructures, chargé d’examiner l’ensemble des projets. Il a rendu son rapport le 1er février dernier. Trois scénarios y sont étudiés.
Le premier ne prévoit aucune ressource supplémentaire et table donc sur 48 milliards d’euros mobilisables sur vingt ans. Il limite fortement les marges de manœuvre et ne permet pas de lancer de nouveaux chantiers. Le second parie sur 600 millions d’euros supplémentaires par an. Il permet de restaurer et moderniser les réseaux actuels et d’entamer quelques chantiers de nouvelles infrastructures.
Les élus locaux veulent voir les projets aboutir.
Le troisième table sur 80 milliards d’euros sur vingt ans et permet la réalisation au plus vite des projets en discussion. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le gouvernement n’a pas arbitré entre ces trois propositions.
Mais le scénario intermédiaire est celui qui tient le plus la corde. Il prévoit un phasage étalé dans le temps des plus grands projets, notamment de la LGV Bordeaux-Toulouse. La stratégie permet de conserver les projets tout en se donnant de l’air financièrement. Les crédits seraient alors déployés en priorité vers la modernisation des nœuds ferroviaires des métropoles, la réalisation de projets de transports en commun, ou encore un plan de désenclavement routier.
Les choix gouvernementaux seront définitivement établis via la loi d’orientation des mobilités, qui prévoit un volet programmation des investissements et va ainsi planifier les infrastructures à réaliser pour l’ensemble du quinquennat.
Camille Selosse