Des transports à la mobilité : une révolution en marche
Les transports connaissent un bouleversement qui oblige les pouvoirs publics à s’adapter. Longtemps vu à travers le prisme des infrastructures, le secteur est en train de basculer vers la mobilité, synonyme d’une plus grande attention accordée aux services.
La ministre des Transports, Elisabeth Borne, n’hésite pas à parler de troisième révolution. Après l’arrivée du train au XIXe siècle puis l’essor de la voiture pendant les Trente Glorieuses, la mobilité connaîtrait son troisième bouleversement, cette fois-ci articulé autour de quatre phénomènes concomitants.
Premièrement, la transition énergétique, avec l’arrivée des véhicules électriques. Les dernières années sont aussi celles de l’essor du numérique, qui permet une mobilité connectée, notamment via des applications. Le troisième changement est celui de la robotisation. Dans le secteur des transports, cela se traduit par l’émergence de véhicules autonomes.
Enfin, le développement de l’économie du partage génère de nouvelles pratiques pour se déplacer, comme l’autopartage, le covoiturage et, in fine, le recul de la possession. Industriels et exploitants ont amorcé le virage et investissent sur tous ces nouveaux fronts. Côté pouvoirs publics, la mise en route est plus tardive.
Passer d’une « politique de l’équipement à une stratégie des mobilités ».
Pendant des décennies, la politique française en matière de transports s’est d’abord construite autour des infrastructures. Le point d’orgue de cette stratégie a été atteint sous le mandat de Nicolas Sarkozy. L’Etat avait alors lancé quatre chantiers de ligne à grande vitesse en même temps.
Mais à force de concentrer son attention sur le TGV, la France a délaissé le reste de son réseau, pourtant plus fréquenté. La grande vitesse a attiré 16% des investissements de ces cinq dernières années alors qu’elle ne représente que 1% des déplacements.
La voiture a, elle aussi, été chouchoutée depuis les Trente Glorieuses. Si elle continue d’être jugée indispensable, notamment hors des métropoles, l’automobile telle qu’on la connaît aujourd’hui semble condamnée à évoluer.
Changement de paradigme
Le quinquennat d’Emmanuel Macron doit donc être celui d’un changement de paradigme. La ministre des Transports veut passer d’une « politique de l’équipement à une stratégie des mobilités » et parle d’une « refondation de notre politique des transports ». « Après avoir été un bâtisseur, l’Etat doit devenir de plus en plus un architecte, un régulateur, un soutien à toutes les initiatives, venant des territoires comme des acteurs publics et privés », a-t-elle énoncé en ouverture des Assises de la mobilité.
Elisabeth Borne veut « décloisonner, dépoussiérer, remettre les transports en mouvement ». Pour cela, il faut « mettre à jour les priorités et les outils ». La priorité doit aller aux transports du quotidien, à leur entretien, à leur modernisation et à leur diversification.
La stratégie en matière de mobilité doit également prendre en compte de nouvelles offres, qui émergent au point de devenir incontournables pour certaines.
Elisabeth Borne souhaite aussi qu’aucun territoire ne soit oublié. Car si dans les grandes villes, de nouvelles solutions de mobilité se développent, les zones périurbaines et rurales n’en voient pas encore la couleur.
Outre ce changement de braquet et le développement d’innovations diverses, la mobilité va bientôt connaître une transformation d’ampleur, voulue par les pouvoirs publics. L’ouverture à la concurrence du ferroviaire doit avoir lieu durant ce quinquennat, selon la réglementation européenne. Un chantier complexe supplémentaire en vue.
Une impasse de 10 milliards d’euros
La politique des dernières décennies en matière de transports a abouti à une ardoise conséquente. En arrivant aux affaires, le gouvernement a constaté que les promesses faites par l’Etat dans ce domaine n’ont pas toujours été accompagnées de financements clairement établis.
Résultat, il manque 10 milliards d’euros pour toutes les réaliser. Le gouvernement a donc décidé d’acter la fin d’une époque. Impossible de continuer à lancer des chantiers à tour de bras. De quoi inquiéter tous ceux qui ont des projets en cours. Comptabilisés dans ces 10 milliards d’euros, on trouve aussi bien des constructions de lignes ferroviaires à grande vitesse que des contournements routiers, des réalisations de 2×2 voies, des aménagements de nœuds ferroviaires ou des infrastructures fluviales…
Camille Sélosse