Objets connectés : gadgets ou véritables innovations ?
Bien que les applications digitales se multiplient, les patients leur tournent souvent le dos très rapidement.
Près d’un demi-million d’applis et d’objets connectés promettent désormais de veiller sur notre bien-être et d’améliorer notre état de santé. Les personnes atteintes d’un diabète disposent de multiples solutions pour surveiller et maintenir en temps réel leur taux d’insuline, sans plus devoir passer par la case piqûre. Les mêmes pourront transporter leur traitement dans une boîte frigo connectée assurant un maintien optimal de la température. Il est déjà possible d’équiper les Ehpad de verres intelligents qui détectent la déshydratation chez les personnes âgées.
Les exemples sont légion, sans compter les centaines de milliers d’applis qui se font fort de « coacher » notre santé sur notre smartphone.
« L’effervescence industrielle de ces dernières années tranche avec l’utilisation des consommateurs », recadre Christine Balagué, titulaire de la chaire Réseaux sociaux et objets connectés de l’Institut Mines-Télécom et enseignant-chercheur à la Télécom Ecole de Management. « L’utilisateur peine à trouver une valeur ajoutée à ces outils. On se rend compte qu’ils sont majoritairement abandonnés au bout de six mois, précise-t-elle.
Résoudre l’équation de l’appropriation par les usagers.
Il existe un enjeu crucial sur le feed-back utilisateur. Jusqu’à présent, les développements ont été concentrés sur la technologie, en pensant à la place de l’utilisateur. Si l’on veut que ce secteur de la santé connectée se développe, il faut résoudre l’équation de l’appropriation. »
Labellisation publique
En dépit de ce taux de désaffection peu médiatisé, la multiplication de ces nouveaux objets est telle que l’Ordre des médecins en appelle à une labellisation publique.
Du côté des industriels, on préfère le cahier de bonnes pratiques. Seuls 24% des concepteurs des applications les plus téléchargées en France déclaraient, en 2015, avoir fait intervenir un professionnel de santé. Et sur les 1 200 applis contrôlées par l’organisme certificateur privé DMD Santé depuis 2012, 31 seraient conformes au droit et réellement utiles aux patients.
« C’est à l’heure actuelle le seul labellisateur sérieux qui intègre une vérification de la dimension éthique », souligne Nathalie Devillier, professeure de droit à l’Ecole de management de Grenoble.
Notion d’e-consentement
Pour des raisons éthiques, cette spécialiste des données de santé s’insurge contre la mise sur le marché américain d’un médicament connecté, Abilify MyCite*. Il permet de surveiller la prise du traitement par le patient, schizophrène ou atteint d’une dépression sévère.
« Comment recueillir le consentement éclairé à un “traitement espion” [alors même qu’il est] destiné à des personnes potentiellement paranoïaques ? Cette solution ne risque-t-elle pas d’aggraver le mal ? », s’interroge-t-elle. Avant de regretter que les autorités publiques ne s’emparent pas suffisamment, en France, de la notion de consentement pour l’e-santé. Un consentement « que le Dossier médical partagé pourrait, par exemple, recueillir ».
Sylvie Fagnart
* Chaque comprimé intègre un capteur qui, une fois dans l’estomac, signale en bluetooth au smartphone qu’il a été ingéré par le patient.