Les MedTech, un atout pour la start-up nation
La France compte nombre de pépites parmi les centaines de ses entreprises investies dans la santé numérique. Mais elle n’inclut qu’une seule licorne.
Jusqu’à 250 millions de patients dans le monde à l’horizon 2030 et 11 millions, sur le seul territoire français. C’est l’« aire thérapeutique » potentielle que l’association représentative du secteur France Biotech entrevoit pour les entreprises françaises, dont quelque 600 PME, investies dans le secteur de la santé numérique.
Avec des fleurons, à l’image de Carmat et ses cœurs artificiels ou d’AB Science et ses traitements contre la maladie d’Alzheimer.
Concernant le chiffre d’affaires, les valeurs grimpent encore dans la stratosphère : « Les Health Tech françaises pourraient générer un chiffre d’affaires annuel de 40 milliards d’euros et 130 000 emplois supplémentaires d’ici à 2030, dynamisant la croissance et l’emploi français. Ainsi, 1,7% de la population active pourrait travailler dans le secteur de la santé d’ici à 2030 – et répondre aux besoins d’un marché mondial considérable, demandeur et porteur sur le long terme », affirme France Biotech dans une étude dévoilée en décembre 2017.
Selon le dernier rapport de la Direction générale des entreprises sur le sujet, le secteur présente aujourd’hui un CA annuel de 2,6 milliards et emploie 28 000 à 38 000 personnes.
Troisième pays européen en nombre de sociétés du secteur, après le Royaume-Uni et l’Allemagne, et deuxième en nombre de produits de biotechnologies en développement, la France ne manifeste aucune allergie pour l’innovation et la technologie de pointe, en dépit du procès qui lui est souvent intenté.
« Entreprises superinnovantes »
Mais si les jeunes pousses abondent et se montrent prometteuses, les licornes, ces start-up non cotées et valorisées à plus d’1 milliard de dollars, se font rares. Depuis le rachat fin 2017 d’Advanced Accelerator Applications, groupe spécialisé dans la médecine nucléaire moléculaire, par le suisse Novartis, il ne reste plus que DBV Technologies, qui développe des solutions dans le domaine des allergies alimentaires.
Les États-Unis comptent, eux, 70 de ces entreprises prodiges, ou licornes.
68% des projets hexagonaux sont testés à l’étranger, contre 11% des projets américains.
Quant aux titans, les supergéants nés après 2000, cotés ou non et valorisés à plus de 50 milliards de dollars, ils sont inexistants chez nous.
La French eHealth Tech a du mal à faire face à la puissance capitalistique américaine et rencontre des difficultés à faire émerger des leaders internationaux. En cause : l’insuffisance de financements disponibles, dans un écosystème globalement tourné vers l’amorçage.
Pour surmonter ce handicap, l’ex-médecin-chercheur et fondateur du fonds spécialisé Truffle Capital, Philippe Pouletty, suggère de créer le statut d’« entreprise superinnovante », destiné à celles qui consacrent 15 à 20% de leurs dépenses à la R&D ou/et à la conquête de leur marché. « L’incitation doit être forte, tant sur l’impôt sur le revenu des investisseurs que sur l’exonération pour les plus-values et les cotisations patronales », plaide-t-il.
Pour muscler l’investissement public, la BPI a annoncé en fin d’année dernière la mise sur pied d’un accélérateur dédié à la phase post-amorçage, le « hub Health Tech » (lire l’encadré page 22). Entravées dans leur développement, les MedTech doivent parfois passer sous pavillon étranger afin de changer de dimension. C’est dans cette perspective que la start-up toulousaine Vexim, spécialisée dans la chirurgie peu invasive du dos, s’est laissé acheter 183 millions d’euros par le groupe américain Stryker, fin octobre 2017.
Testés à l’étranger
Autre obstacle de taille : les procédures d’évaluation en vigueur dans le pays. Dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé, France BioTech soulignait, le 13 décembre dernier, la « difficulté à réaliser des essais cliniques ».
68% des projets portés par des entreprises hexagonales sont en fait testés à l’étranger. Aux Etats-Unis, ce ratio ne s’établit qu’à 11%. Ces délocalisations seraient dues, selon l’association, à des « procédures d’évaluation et d’autorisation complexes, opaques et particulièrement lentes ».
Les essais cliniques ont connu une réforme importante en juin 2016, après la mort d’un patient volontaire six mois auparavant au centre de recherche de Rennes Biotrial et alors que le scandale du Mediator continuait à produire son onde de choc.
Désormais, une commission d’experts, tirés au sort au sein d’une liste établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), examine avec soin le traitement à tester. Ce qui allonge considérablement les délais : si un de ces experts s’avère incompétent, il faut réunir un nouveau collège, etc. De nombreuses entreprises de technologie médicale optent dès lors pour des pays (Belgique, Royaume-Uni, Italie, République tchèque, Etats-Unis) où la réglementation est plus souple.
Sylvie Fagnart
La BPI materne ses jeunes pousses
Sept start-up forment la première promotion de l’accélérateur Health France du « hub » de la Banque publique d’investissement (BPI), lancé en décembre 2017. L’objectif : faire bénéficier ces PME prometteuses d’un accompagnement personnalisé pour accélérer leur croissance et les projeter à l’international.
Il s’agit de CorWave (dispositifs d’assistance cardiaque), H4D (Consult Station®), GamaMabs Pharma (immuno-oncologie), SparingVision (traitements des dégénérescences rétiniennes), Step Pharma (traitements des maladies auto-immunes), BioSerenity (solutions médicales connectées) et Eyevensys (biotechnologies ophtalmiques).