En France, la médecine prédictive est à la traîne
Le séquençage du génome humain a donné une dimension considérable à la médecine prédictive. En France, ces tests ne sont que peu ouverts au remboursement.
En rendant publique, en 2013, la mastectomie qu’elle venait de subir pour éviter le cancer du sein que la génétique lui pronostiquait, l’actrice américaine Angelina Jolie a fait entrer la médecine prédictive dans l’imaginaire collectif.
La recherche française apporte son écot à cette promesse, celle d’éviter les maladies grâce à l’analyse des gènes et de leur fonctionnement.
Depuis 2006, l’Etat et l’Institut national du cancer ont créé 28 plateformes de génétique moléculaire des cancers. Un neurologue du CHU Strasbourg, Mathieu Anheim, et son équipe ont développé récemment un outil d’aide au diagnostic de maladies rares du système nerveux. Pour 834 patients, la machine a établi un diagnostic identique à celui posé par un panel de cinq spécialistes. En quelques secondes, contre sept heures, en moyenne, pour les médecins. Les laboratoires français ont également été à la pointe pour la mise au point des tests de dépistage non invasifs de la trisomie 21.
Des questions éthiques se posent
Mais la pratique se généralise lentement. En cause, une frilosité des pouvoirs publics à rembourser ces tests. Disponible et validée depuis près de cinq ans, la prise de sang établissant un diagnostic prénatal de la trisomie 21 peut, depuis un décret de mai 2017, prétendre à un remboursement de l’Assurance Maladie. Mais l’arrêté ministériel nécessaire à sa concrétisation se fait toujours attendre. Les questions éthiques que pose cette médecine prédictive ne sont pas étrangères à cette prudence.
Le consentement du patient doit être au cœur de la démarche et des réponses qui lui sont apportées, comme le rappelait la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), réunie en congrès en juin 2017.
D’autant que ces interrogations ne sont pas près de s’épuiser. Le « Project Baseline », lancé en avril dernier par la filiale santé de Google, ambitionne de repérer notamment les signes avant-coureurs de maladie cardiovasculaire ou de cancer en développement. Pendant quatre ans, 10 000 volontaires seront équipés de capteurs et d’objets connectés, et suivis régulièrement par des spécialistes et un laboratoire.
A terme, cette collecte de données devrait permettre, selon l’entreprise, de « dessiner une carte de la santé humaine ».
Des économies à attendre dans le système de soins
Aux Pays-Bas, en Allemagne ou au Royaume-Uni, les promesses prédictives intéressent au plus haut point les gestionnaires de santé. Si on applique ses principes non plus seulement au corps humain, mais à l’organisation des soins, des économies seraient à attendre, selon un rapport produit par la DREES1 en juillet 2017.
« Le principe est toujours le même : décrire la probabilité qu’un individu connaisse l’événement redouté, qu’il s’agisse d’une admission hospitalière en urgence, de la perte d’autonomie ou de la probabilité de devenir très consommateur de soins », détaille le rapport.
Dans ces systèmes, un capital-risque est associé à chaque individu. A partir de ce capital, on estime à quel niveau de probabilité cette personne peut transformer le risque en réalité, pour ensuite adapter les parcours de soins.
Un exemple : en Suède, certaines régions se servent de modèles prédictifs d’hospitalisation pour déterminer à quelles personnes âgées fragiles les infirmières des centres de santé communautaires doivent rendre visite en priorité dans chaque localité.
Sylvie Fagnart