Interopérabilité : parler la même langue
L’interopérabilité est la condition invisible d’une santé numérique à grande échelle. Un chantier titanesque.
Les machines n’ont rien à envier aux humains pour la richesse de leurs idiomes. Et peuvent éprouver les mêmes difficultés à dialoguer entre elles.
Pour qu’elles les surmontent, on s’assure de l’interopérabilité des systèmes d’information. Sans cela, l’e-santé resterait à l’état de fantasme.
Quelle serait l’utilité des dizaines de mesures enregistrées par le tensiomètre d’un patient souffrant d’hypertension, si le matériel informatique de son cardiologue était incapable de les déchiffrer ? A l’image d’un document OpenOffice qu’un ordinateur flanqué de Microsoft Word refuserait de lire…
« Chaque spécialité médicale s’est équipée, en son temps, de solutions informatiques différentes, rappelle Marie-Christine Jaulent, directrice du Limics (Laboratoire d’informatique médicale et d’ingénieurie des connaissances en e-santé, affilié à l’Inserm et consacré au traitement de l’information en santé). Pour l’hospitalisation à domicile, par exemple, 135 éditeurs différents proposent chacun leur propre logiciel.
Les conditions du dialogue
Avec l’interopérabilité, il ne s’agit pas d’imposer un langage informatique unique – solution privilégiée par la ministre de la Santé du Québec, il y a deux ans –, mais de créer les conditions du dialogue.
Dans le domaine des informations de santé, l’interopérabilité est de deux ordres : d’une part, l’interopérabilité technique, soit la possibilité d’échanger des données dans un environnement sécurisé et, d’autre part, l’interopérabilité sémantique, pour pouvoir traiter ces données, en s’appuyant sur des terminologies médicales communes.
En France, ce chantier titanesque débute avec l’aventure du Dossier médical personnel (DMP). C’est à partir de la décision politique de le rendre accessible à chaque professionnel de santé, qu’ont été entamés les travaux portant sur un « référentiel d’interopérabilité ».
135 différents logiciels d’hospitalisation à domicile existent.
L’Asip-Santé, l’agence des systèmes d’information partagés de santé de l’Etat, est à la baguette, s’appuyant sur les travaux internationaux en la matière*.
L’agence a publié en 2015 le « Cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé » (CI-SIS), après une large concertation auprès des industriels. Ce corpus compile les standards et les principes à respecter pour échanger des données en toute sécurité.
Les données dans un autre contexte
Au-delà de la communication des informations d’un patient entre deux professionnels de santé qui le suivent, se pose la question des usages futurs de ces données. « Nous travaillons aussi pour qu’une information puisse être utilisée dans un contexte autre que celui dans lequel elle a été collectée », indique ainsi Marie-Christine Jaulent.
Un gisement qui intéresse particulièrement les chercheurs. Avec toutefois une contrainte : redemander son consentement au patient à chaque nouvelle utilisation.
Sylvie Fagnart
* Il s’agit de l’IHE International.