La télémédecine, l’une des solutions contre les déserts médicaux
La priorité est à l’organisation de l’offre de soins, pour laquelle la médecine à distance peut représenter un réel atout, si elle n’est pas envisagée comme solution unique.
Les chiffres sont sans appel : la France fera face à très brève échéance à une pénurie de médecins (lire page 6), et particulièrement de généralistes.
Fin 2015, selon les derniers chiffres de la Drees sur le sujet, 8% des Français ne bénéficiaient pas d’offre de soins suffisante dans leur commune. Chaque année, l’Ordre des médecins publie son « Atlas de la démographie médicale » et met en lumière l’insuffisance grandissante du nombre de médecins. En 2025, la population des généralistes aura perdu un quart de ses effectifs, par rapport à 2007.
« Tous les territoires sont concernés », rappelle Arnaud Robinet, maire (LR) de Reims. Dans sa ville, l’hypercentre est particulièrement touché, et ce constat s’applique à d’autres villes. Face à cette situation, les élus sont « impuissants, voire désespérés », reconnaît Isabelle Maincion, coprésidente de la commission santé de l’Association des maires de France (AMF).
Les élus sont à la fois soucieux de la santé de leurs concitoyens, mais aussi de l’attractivité de leur territoire. « Le nombre de médecins est un facteur déterminant de maintien des populations », soulignait, en 2017, l’Assemblée des départements de France (ADF) dans un communiqué consacré aux déserts médicaux.
Doublement des FIR
Pour faire reculer ces zones désertées par les médecins, rapports et plans gouvernementaux se succèdent. Le dernier en date, présenté par le Premier ministre en personne à la mi-octobre 2017, consacre, comme ses prédécesseurs, un large volet d’actions à la télémédecine.
Au programme : le doublement en 2018 des fonds d’investissement régionaux (FIR), qui atteindront la somme de 18 millions d’euros.
La télémédecine exclue de fait les zones blanches.
Depuis 2012, selon les données de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), plus de 27 millions d’euros ont été mis sur la table pour financer des actions assurant la permanence des soins, au premier rang desquelles figurent de nombreuses expérimentations de télémédecine.
Ce nouveau « plan anti-déserts » prévoit aussi l’équipement de tous les Ehpad des « zones sous-denses » en matériel de téléconsultation, afin d’éviter les hospitalisations inutiles et améliorer la qualité du suivi des patients résidents.
Néanmoins, la directrice générale de la DGOS, Cécile Courrèges, le martelait encore avec force fin octobre dernier, lors d’un débat public sur le « virage ambulatoire » : « La télémédecine n’est pas la solution unique aux problèmes des déserts médicaux ! » Surtout lorsque, à la notion de désert médical s’ajoute celle de « zone blanche » : sans accès Internet.
Ce qu’associations d’élus et représentants des médecins appellent tout autant de leurs vœux, c’est la multiplication des maisons de santé pluriprofessionnelles.
« Echec assuré »
« La technologie ne représentera jamais une solution miracle », abonde en ce sens Jacques Battistoni, président de MG France, premier syndicat français de généralistes. « Si on fait de l’outil une priorité, avant de penser aux personnes qui assurent l’offre de soins et à leur organisation, c’est l’échec assuré », met-il en garde.
Les communes qui ont installé une cabine de téléconsultation ont accompagné cette démarche de la constitution d’un réseau de référents. Et en conditionnent parfois l’accès.
Comme à Aups, dans le Var, qui fait figure de pionnière avec sa Consult Station® H4D en place depuis 2015 : seuls peuvent l’utiliser les patients ayant appelé le 15 et ne disposant pas d’un médecin de garde à proximité.
La politique de santé reste une prérogative de l’Etat. Et les marges de manœuvre sont minces pour les élus. Sauf à emprunter des voies détournées. A Reims, la ville accompagne ainsi un incubateur de start-up implanté au pied d’une clinique, dont plusieurs se consacrent à l’innovation médicale.
Sylvie Fagnart