Après les atermoiements, la médecine connectée prête à décoller en 2018 ?
Grâce au caractère enfin opérationnel du Dossier médical partagé et au remboursement de certains actes de télémédecine, la généralisation de l’e-santé s’amorce, mais restera progressive.
« Une folie furieuse. » Quatorze ans après l’adoption de la loi consacrant le Dossier médical personnel (DMP), devenu depuis « partagé », un spécialiste du dossier qui préfère garder l’anonymat, juge durement l’ambition politique de l’époque.
En 2004, le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, promettait la généralisation à l’ensemble des assurés français dès 2007 de ce qui devait être la pierre angulaire de toute extension massive de la télémédecine. Mais ce n’est en fait qu’en 2006 que les travaux sur le cadre d’interopérabilité du DMP (lire page 16) débutent véritablement.
Ils avancent à un train de sénateur pour s’enliser, jusqu’à la relance du dossier en 2009.
Téléconsultation et télé-expertise devraient être bientôt remboursées.
Trois ans et une série de tests menés auprès de 150 éditeurs de logiciels plus tard, le DMP est enfin prêt à être proposé largement sur le territoire.
Las, la nouvelle majorité ne vote pas le budget nécessaire à son déploiement. La ministre Marisol Touraine laisse même planer un doute sur la poursuite du chantier.
Pour finir par confier la responsabilité du DMP à la Caisse nationale d’Assurance Maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dans la loi 2016 de modernisation de notre système de santé.
Un nouveau pilotage imminent
Neuf départements pilotes ont été désignés début 2017 : Bas-Rhin, Pyrénées-Atlantiques, Côtes–d’Armor, Doubs, Haute-Garonne, Indre-et-Loire, Puy-de-Dôme, Somme et Val-de-Marne.
260 000 dossiers ont été ouverts depuis le début de l’expérimentation. Un chiffre « conforme à nos prévisions », précise Delphine Champetier, directrice de cabinet du directeur général de la CNAMTS, et à mettre en regard avec celui des créations de DMP entre 2009 et 2017 : moins de 500 000.
« Cette décision de confier le pilotage à la CNAMTS était capitale car elle seule dispose d’un levier sur la médecine libérale, via les conventionnements de remboursement des actes », souligne Pascale Sauvage, directrice de la stratégie à l’Asip-Santé*. Une généralisation prévue « à la fin du premier semestre 2018 », assure-t-on à l’organisme. Serait-ce le bout du chemin ?
Une généralisation expérimentale
Autre verrou qui vient de sauter : la loi a autorisé depuis le vote du PLFSS 2018** l’inscription de nouveaux actes dans la convention médicale. Ainsi, la téléconsultation et la télé-expertise, via la vidéotransmission, devraient être bientôt remboursées par l’Assurance Maladie.
Un progrès qui ôte, en revanche, tout espoir aux plateformes de téléconseil d’accéder au graal du remboursement Sécu. Les ARS produiront une évaluation, qui déterminera la pérennité du dispositif. En bref, ce dernier, bien que généralisé, reste expérimental.
Pour le rapporteur du texte à l’Assemblée, Jean-Marie Vanlerenberghe, une telle évaluation s’impose : « En télésurveillance, vous avez l’intervention de nombreux prestataires techniques, de prestataires de services, que vous n’avez pas en téléconsultation. Il faut prendre le temps d’évaluer très finement les dépenses que cela engendre. » Il reste donc encore un peu de route à effectuer…
Sylvie Fagnart
* Agence des systèmes d’information partagés de santé.
** Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.