« Changer les méthodes de travail pour favoriser l’innovation et la productivité »
Qu’est-ce que l’« agile working » ?
David Guillot de Suduiraut : Lancée il y a deux ans, cette méthode de travail concerne aujourd’hui 2 000 collaborateurs, principalement sur nos sites de Nanterre et d’Isneauville [Seine-Maritime].
L’idée est de favoriser l’autonomie et la responsabilisation en encourageant les collaborateurs à organiser leur espace, puisque les postes de travail ne sont plus attribués ; et en valorisant le management par le résultat : au lieu d’être managée sur de petites tâches, l’équipe a un objectif de moyen terme. C’est bien plus engageant !
L’« agile working » repose sur un équipement informatique complet (ordinateur portable, wi-fi généralisé…) et sur de nouveaux comportements, comme le télétravail.
Sandrine Duchêne : L’un des piliers centraux de l’ agile working est l’aménagement immobilier. Concrètement, nous avons enlevé les murs afin de faire travailler les différents métiers ensemble.
Le lieu de travail est devenu un espace convivial prenant en compte le bien-être où l’on peut aller à la bibliothèque, s’asseoir dans des canapés, travailler debout ou en marchant. Nous avons aussi mené des recherches sur les matériaux, par exemple, en optant pour des moquettes antibruit.
Pourquoi avoir bouleversé vos méthodes de travail ?
DGS : La réflexion a été lancée il y a deux ans par le comité exécutif, avec l’idée de prendre en compte les longs trajets domicile-travail; les aspirations de la jeune génération et de certains seniors, les nouvelles technologies, les manières innovantes de travailler des start-up – plutôt que de les subir.
SD : Nous nous sommes inspirés de l’organisation d’AXA en Belgique, avec la conviction profonde qu’il faut changer les méthodes afin de favoriser l’innovation et la productivité. En outre, dans un bassin d’emploi où les entreprises sont en concurrence, c’est aussi un moyen d’attirer de nouveaux talents.
Quelle est l’efficacité réelle de ces nouvelles méthodes ?
DGS : Ce sont des sujets difficiles à mesurer, mais on observe que les taux d’engagement des collaborateurs sont bien supérieurs avec ces méthodes et que les nouveaux outils sont utilisés !
SD : Nous manquons encore de recul, mais une enquête belge a montré une amélioration de la qualité de vie au travail et une adhésion forte. En outre, nous observons que, mis côte à côte, un développeur informatique et un technicien travaillent plus rapidement et mieux.
Quelles ont été les difficultés ?
DSG : Ce n’est pas un chemin linéaire. En un an et demi, nous avons expérimenté et parfois décidé de faire autrement. Nous avons ainsi renoncé à des univers de travail tendant à mélanger tous les métiers, pour préférer des univers par métiers, car certains ont exprimé le besoin de rester regroupés par spécialité. Nous réfléchissons aussi aux moyens de recréer une proximité malgré le télétravail. Tous ces changements se font progressivement et en étroite collaboration avec les partenaires sociaux.
SD : Les incertitudes soulevées il y a un an ont aujourd’hui laissé la place à une adhésion forte. Nous avons notamment pris soin d’accompagner les managers, très sollicités dans ce modèle puisque leur défi est de donner un sens et de fixer les objectifs collectivement. Une des difficultés a été d’organiser le vivre-ensemble, important dans cette organisation.
Il faut apprendre, par exemple, à ranger en quittant un lieu de travail collectif. Nous sommes conscients que ces efforts ne vont pas de soi et demandent du temps. Nous réalisons de manière constante des retours sur expérience, afin de construire ces méthodes nouvelles collectivement. Cette part de défrichage est très intéressante !
Propos recueillis par Félicité de Maupeou