En attendant la réforme, les indépendants organisent leurs propres solidarités
C’est le prix de l’autonomie : aujourd’hui, les indépendants ne bénéficient pas des protections du salariat et souffrent parfois d’isolement. Pour y faire face, certains pratiquent entre eux « le don contre don, par exemple, pour réaliser leur site ou créer un logo, selon les compétences de chacun », explique Anthony Hussenot, professeur en théorie des organisations et co-auteur d’un travail sur le sujet.
D’autres sortent de leur isolement et créent des collectifs pour défendre leurs intérêts auprès de leur donneur d’ordre. Des exemples typiques étant les chauffeurs de VTC face à la plateforme Uber, ou les livreurs Deliveroo.
Des coopératives d’indépendants
D’autres solidarités existent sous une forme plus aboutie. Créée en 1998 en Belgique, l’entreprise collective SMart rassemble d’abord quelques dizaines d’artistes demandant à être accompagnés et défendus devant les administrations et les tribunaux en cas de litige. Aujourd’hui, elle suit 80 000 indépendants de différents métiers dans 9 pays européens, dont la France.
Un fonds alimenté par un prélèvement sur chaque contrat passé via SMart, permet, par exemple, de payer les adhérents dans un délai de sept jours si leur donneur d’ordre tarde à s’acquitter de la facture ou s’il est défaillant. Depuis janvier 2017, la structure, dont le chiffre d’affaires en 2015 était de 132 millions d’euros, est devenue une coopérative, c’est-à-dire que chacun des membres dispose d’une voix pour participer à la gouvernance.
La solution méconnue du portage salarial
Né il y a une trentaine d’années, le portage salarial a un fonctionnement proche. En échange du versement de ses honoraires à une société de portage qui les transforme en salaire, charges fiscales et sociales déduites, le « porté », libéré des tâches administratives, bénéficie d’une couverture prévoyance santé, retraite et assurance chômage.
« Nous sortons ici du travail indépendant “low cost”, qui se développe aujourd’hui. A l’exemple d’un auto-entrepreneur qui gagne 75 euros sur 100 euros facturés mais n’est pas protégé ; ou encore de l’indépendant “pur”, qui touche entre 60 et 65 euros sur 100 facturés et profite d’une certaine protection ; alors que le “porté” récupère 48,50 euros sur 100, mais bénéficie d’une protection sociale », explique Hubert Camus, président du PEPS (Professionnels de l’emploi en portage salarial).
Peu à peu professionnalisé – sa convention collective date de juillet 2017 –, le portage salarial comptait 70 000 « portés » fin 2016, pour 700 millions euros de chiffre d’affaires. « Cela reste bien modeste à côté des 20 milliards de l’intérim ! En effet, ce dispositif est peu connu par l’ensemble des travailleurs : sur 10 actifs, seul 1 est capable de dire ce qu’il recouvre. »
Reste que dans ce système, contrairement à d’autres, « il n’y a pas de rémunération sans prestation et la société de portage n’est pas tenue de donner un travail », prévient Hubert Camus. La cible est essentiellement les cadres de plus 45 ans, autonomes dans leur recherche de clients et dans la réalisation de leur prestation, plutôt que les jeunes sortants d’école.
Que deviendront ces nouvelles solidarités après la réforme du statut de l’indépendant annoncée au Parlement au printemps ? « Ce qui est étonnant, c’est que cette réforme ne répond pas à une demande. Seule la moitié des indépendants se sont prononcés pour, et à condition qu’il n’y ait pas de hausse des charges », relève Hubert Camus.
Félicité de Maupeou