La jeune génération est en quête de sens, de mobilité, mais aussi de sécurité
Nouvelle incarnation de la réussite sociale, l’entrepreneur est sans surprise une figure positive chez les jeunes Français, qui sont 36% à envisager de créer ou de reprendre une société, selon un sondage OpinionWay (octobre 2017) réalisé sur 1 001 étudiants et lycéens professionnels.
Mais au sein de l’entreprise traditionnelle aussi, les choses bougent. « Le modèle organisationnel de l’entreprise de demain générera de la performance par l’engagement de ses collaborateurs car la jeune génération recherche du sens dans son travail », annonce ainsi Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson project, une société « militante » qui accompagne la transformation des entreprises pour redonner une visée humaniste au management.
« Cette quête de sens est une lame de fond qui vient de loin et recouvre les attentes des générations précédentes. Elle est aujourd’hui exacerbée », poursuit-elle.
Les moins de 30 ans, plus libres de faire valoir leurs exigences
Alors que le chômage atteint près d’un Français de moins de 25 ans sur quatre, comment cette nouvelle génération arrive-t-elle malgré tout à faire valoir ses exigences ?
« La population qui arrive sur le marché du travail est l’enfant de la précarisation de l’emploi. D’une certaine façon, elle est plus libre de demander ce qu’elle veut, tant le modèle de l’entreprise et du CDI protecteurs est fini, explique Emmanuelle Duez. Un rapport de collaboration se met en place entre l’entreprise et ses salariés de moins de 30 ans, qui y travaillent pour un temps court avec l’idée que cela doit leur apporter quelque chose. Si ce n’est pas le cas, ils partent ! »
Une étude de l’Edhec montre, en effet, qu’en 2014, 43% de 1 500 diplômés d’école de commerce et d’ingénieurs ont quitté leur entreprise moins de deux ans après y être entrés ! « Ces tendances concernent les plus favorisés et les plus diplômés », nuance cependant Anthony Hussenot, professeur en théorie des organisations à l’université Paris-Dauphine.
Un avis que ne partage pas Emmanuel Duez, qui a travaillé pour la Marine nationale, Air France, EDF, ou encore la direction du budget à Bercy. « Même si [la catégorie] “jeunes” regroupe des réalités très différentes, ils ont cette aspiration commune. J’ai vu, par exemple, une très forte envie de sens et de responsabilisation chez les ouvriers de l’usine Nissan dans laquelle nous avons œuvré ! », raconte-t-elle.
Un attachement au CDI qui perdure
La mobilité d’un emploi à l’autre augmente peut-être, mais 68% des 18 à 30 ans sont encore attachés au CDI, qui « reste une garantie et une sécurité pour s’assurer de garder son poste », révèle une étude ViaVoice-Manpower de juin 2017. Néanmoins, beaucoup sont avides de certains changements.
Mais loin des clichés montrant des jeunes friands de télétravail – dans près de la moitié des cas, ils préfèrent être physiquement présents dans leur entreprise, contre 26% seulement chez eux –, la première chose à changer, selon eux, serait l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
« Il y a aussi une demande de reconnaissance immatérielle, c’est-à-dire d’un accompagnement personnalisé ou encore d’adaptations au cas par cas », ajoute Emmanuelle Duez. Répondre à ces nouvelles attentes est un défi de taille pour les managers, « mais c’est aussi une nécessité pour que les entreprises retrouvent des collaborateurs engagés, et donc une plus grande agilité ».
Félicité de Maupeou