« Etre prêts à changer de travail et à apprendre tout au long de la vie »
Quels grands changements dans les manières de travailler la réforme du Code du travail prend-elle en compte ?
La réforme du Code du travail répond à une analyse faite depuis la présidence de Jacques Chirac, sans que n’aient été enclenchés de réels changements : l’existence d’une fracture durable depuis la fin des Trente Glorieuses entre les personnes installées dans un emploi stable, protégées par le système actuel, et les personnes hors de l’emploi, en CDD ou encore qui changent de statut, passant, par exemple, de salarié à indépendant.
Or ce système qui protège les « insiders », n’est plus pertinent car tout le fonctionnement économique a changé ! Les entreprises ne vivent plus sur des cycles longs, même dans l’industrie, et les jeunes d’aujourd’hui comptabiliseront environ 17 emplois différents au cours de leur vie professionnelle ! Ces tendances nécessitent plus d’agilité pour tous et réclament de s’adapter en permanence. Cela peut effrayer, mais c’est la réalité.
La création des CDI de chantier ne risque-t-elle pas d’accentuer la précarisation du travail ?
On ne peut pas obliger une entreprise à embaucher en CDI ! Nous avons donc créé ce CDI de chantier, qui court sur le temps d’un projet dont on ignore la durée. Il permet de sécuriser le salarié, qui dispose d’un CDI, propre à rassurer les bailleurs et les banques, facilitant ainsi l’accès aux prêts et au logement, tout en répondant aux besoins des entreprises, qui fonctionnent de plus en plus par projet et sont aujourd’hui soumises à une limitation des CDD de 18 mois.
Le recours à ces CDI de chantier sera décidé par accord de branche, par des personnes mandatées, représentant les salariés et le patronat. Cela ne se fera pas dans l’improvisation.
Pourquoi la loi renforce-t-elle les accords d’entreprise par rapport aux accords de branche ?
Les branches, importantes pour donner une cohérence et éviter le dumping social, sortent au contraire renforcées de cette loi, avec jusqu’à 17 domaines réservés contre 6 auparavant. Le reste dépend des accords d’entreprise, plus à même de prendre certaines décisions, par exemple concernant les primes.
Ainsi les primes d’ancienneté n’intéressent pas certains salariés, de plus en plus nombreux, qui n’envisagent pas de rester longtemps dans la même entreprise, et préféreraient des aides pour la garde de leurs enfants. Cela doit pouvoir se décider par un accord en entreprise. De même, une équipe de trois personnes gérant une boulangerie doit pouvoir organiser son temps à trois comme elle l’entend, dans les limites de la loi.
Quid du futur projet de loi sur l’apprentissage, la formation et le statut de l’indépendant ?
Ce projet de loi s’inscrit dans une société qui nous demande d’être prêts à changer de travail et à apprendre tout au long de la vie. Le rôle du politique est de donner les moyens aux entreprises et aux individus d’affronter cette évolution, notamment via l’apprentissage et la formation.
En outre, nous ne sommes plus face à des emplois à vie dans une même industrie, mais face à des parcours professionnels pouvant alterner salariat et free-lance. L’idée est d’adapter les garanties et les protections, et d’instaurer une fluidité entre les régimes.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou