Une transformation difficile en logements sociaux
Les opérations d’aménagement de logements sociaux dans des monuments historiques restent très ponctuelles. Les contraintes se révèlent difficilement conciliables avec la maîtrise des coûts pour les bailleurs.
L’ambition de la loi Duflot du 18 janvier 2013 était de mobiliser du foncier public pour le logement social. En vertu de ce texte, l’État peut céder des terrains nus ou bâtis avec décote pour y créer des logements sociaux.
Est-ce une opportunité pour réhabiliter des monuments historiques ? Une première cession exemplaire a bien eu lieu : celle de l’ancien commissariat Castéja, en plein centre de Bordeaux et classé au titre des monuments historiques.
En 2014, l’État a cédé les lieux, abandonnés depuis plusieurs années, au bailleur social Gironde Habitat, avec une décote de 33%. Mais, dans l’ensemble, les opérations de ce type restent rares.
Des surcoûts importants pour la rénovation
De fait, transformer un monument classé en logements sociaux n’est pas simple. À Lyon, le bailleur social SCIC Habitat Rhône-Alpes, filiale du groupe SNI*, propose ainsi des logements sociaux dans la cour Philibert-de-l’Orme.
L’immeuble, qui date du XVIe siècle, comporte une galerie considérée comme l’un des joyaux architecturaux de la Renaissance : « Les travaux de restauration de cette galerie vont coûter 350 000 euros, sans pour autant améliorer le confort des locataires, témoigne Romain Royet, directeur territorial Rhône-Alpes-Auvergne du groupe SNI.
Ces sites atypiques peuvent présenter des inconvénients pour les locataires.
Ce montant équivaut aux fonds propres nécessaires pour produire une dizaine de logements sociaux ; fort heureusement, nous allons bénéficier de l’appui financier de trois partenaires, le ministère de la Culture, par l’intermédiaire de la Drac, la ville de Lyon et notre actionnaire, la Caisse des Dépôts. »
Par ailleurs, toute intervention sur ce type d’édifice nécessite d’obtenir l’autorisation de l’architecte des Bâtiments de France, dont il faut respecter les prescriptions moyennant d’importants surcoûts : « Remplacer une fenêtre en PVC revient entre 900 et 1 000 euros, explique Romain Royet. Dans la cour Philibert-de-l’Orme, les huisseries de grandes dimensions sont toutes fabriquées sur mesure, doivent être en bois, et, en définitive, coûtent trois à quatre fois plus cher. »
Intégration dans des projets plus globaux
Enfin, ces sites atypiques peuvent présenter des inconvénients pour les locataires : d’importants volumes entraîneront des charges de chauffage plus élevées, la configuration des lieux ne permettra pas forcément d’installer un local à vélos, etc.
Compte tenu de ces contraintes, la création de logements sociaux dans des monuments historiques ne semble envisageable qu’à la marge : « Dans le cadre légal actuel, conventionner des logements dans des immeubles à forte valeur patrimoniale ne peut se concevoir que dans un projet immobilier plus global – incluant, par exemple, des logements privés ou des bureaux–, ce qui permet alors d’atteindre un équilibre économique », observe Romain Royet.
Marianne Di Meo
* Le groupe SNI, filiale immobilière d’intérêt général de la Caisse des Dépôts, est le premier bailleur de France.