La décentralisation culturelle peine à se concrétiser
Faute de moyens financiers, les collectivités se montrent frileuses quand il s’agit d’assumer des monuments historiques à la place de l’État. Pourtant, une gestion de proximité serait sans doute plus vertueuse.
Le transfert de la gestion du patrimoine monumental doit-il être l’exception ou la règle ? En 2003, la commission présidée par l’historien René Rémond propose que ce transfert relève du droit commun et dresse une liste de 162 édifices susceptibles d’être cédés aux collectivités territoriales.
S’appuyant sur ces travaux, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales leur transfère les compétences en matière de gestion du patrimoine culturel et permet à celles qui le souhaitent de se porter candidates à la cession à titre gratuit de la propriété de 176 immeubles classés ou inscrits (le décret du 20 juillet 2005 ayant élargi la liste établie par la commission Rémond).
Un certain nombre de monuments phares changent alors de mains, parmi lesquels l’abbaye de Jumièges, reprise par le conseil général de Seine-Maritime, et le château de Chaumont-sur-Loire, récupéré par la région Centre ou le château de Tarascon dont le nouveau propriétaire est le département des Bouches-du-Rhône.
Transférer le fardeau financier à un autre échelon
Néanmoins, le bilan de cette tentative de décentralisation est en demi-teinte. Dans un rapport rendu en 2009, la Cour des comptes constatait que 65 monuments seulement avaient effectivement été transférés en quatre ans.
Comment expliquer ce manque d’enthousiasme ? Pour la fondation Ifrap, la décentralisation culturelle apparaît comme un pis-aller, si elle ne vise qu’à transférer le fardeau financier de sites culturels d’un échelon à l’autre : « On ne peut s’empêcher de s’interroger sur la pertinence financière du transfert…
Seuls 65 monuments ont été transférés aux collectivités entre 2005 et 2009.
Pourquoi confier à des organismes locaux, aux finances déjà tendues, des missions supplémentaires qui, si elles s’avèrent économiquement rentables ne pourront l’être que sur le long, voire le très long terme ? », précisait l’organisme dans un document daté de 2010.
La gestion de ces monuments requiert des investissements considérables sans pour autant que les retombées économiques soient toujours au rendez-vous. À titre d’exemple, le Centre des monuments nationaux indique que seuls six sites, parmi la centaine qu’il gère, sont rentables.
Le financement de l’ensemble de ces monuments est rendu possible grâce à un système de péréquation des ressources, c’est-à-dire un moyen de redistribution qui permet de gommer les écarts de recettes constatés de l’un à l’autre.
En d’autres termes, les plus rentables financent ceux qui ne le sont pas. Il serait donc beaucoup plus délicat d’exploiter ces monuments séparément car les moins fréquentés n’auraient alors pas les ressources suffisantes pour s’autofinancer.
Une meilleure valorisation dans le cadre d’une gestion locale
Malgré tout, on ne peut que déplorer le manque de succès de la décentralisation. Cette dynamique de transfert, qui permet de gérer dans la proximité des biens qui ont un fort ancrage local, est, en effet, judicieux.
Les collectivités territoriales peuvent mieux les valoriser, dans le cadre de parcours culturels locaux : « Ce mouvement peut être pertinent s’il permet, d’une part, de bousculer des situations acquises peu productives et, d’autre part, d’aboutir à une gestion privée parce que l’organisme public récipiendaire ne possède pas le savoir-faire pour assurer la valorisation des monuments les moins fréquentés », juge par ailleurs l’Ifrap.
Marianne Di Meo