Le choix de la démolition source de polémiques
Les élus se retrouvent pris entre deux feux. Les fonds publics manquent pour financer des rénovations coûteuses mais, dans le même temps, les démolitions d’édifices historiques suscitent l’émoi des administrés.
Le maire de Lagny-le-Sec (Oise) se serait bien passé d’une telle publicité. En juin dernier, la commune, propriétaire d’un château du XIXe siècle depuis 1995, a fait raser la bâtisse afin de construire un espace multifonctions. Les opposants au projet, mis devant le fait accompli, ont crié au scandale, allant jusqu’à qualifier cet acte de « terrorisme patrimonial ».
Ces faits sont, hélas, loin d’être isolés car de nombreux joyaux architecturaux ne sont ni inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ni classés. Ils ne bénéficient de ce fait d’aucune protection. Seule la mobilisation des citoyens peut alors permettre de les épargner.
Ainsi, en 2015, la municipalité de Villenave-d’Ornon, en Gironde, a finalement renoncé à démolir le château de Sarcignan, la pétition en ligne contre ce projet ayant recueilli plus de 13 000 signatures.
Le patrimoine, une manne plutôt qu’une charge
De telles initiatives vont-elles se multiplier ? « Aujourd’hui, les priorités des collectivités sont le social et l’éducation, pas la culture et le patrimoine, déplore Alexandra Sobczak, fondatrice de l’association populaire Urgences Patrimoine. On se dirige donc tout droit vers une vague de démolitions. »
Pour les défenseurs du patrimoine qui œuvrent sur le terrain, il est donc primordial de sensibiliser et d’éduquer les élus, en s’appuyant sur des cas concrets où les opérations de sauvetage ont pu aboutir : « Il ne faut pas oublier que si la France est la première destination touristique au monde, c’est en grande partie pour son patrimoine bâti, insiste Alexandra Sobczak. Un patrimoine valorisé peut constituer un pôle d’attractivité qui dynamise l’économie locale. »
Rénover par tranches
Il est vrai que la rénovation coûte cher, surtout si les édifices sont classés. Le respect des règles de l’art et des prescriptions des architectes des Bâtiments de France entraîne des surcoûts non négligeables, pouvant atteindre 30%. Les élus ne doivent toutefois pas baisser les bras.
Car il ne faut pas perdre de vue que les travaux peuvent être réalisés par tranches, afin de lisser l’effort dans le temps. La rénovation de la chartreuse de Neuville, dans le Pas-de-Calais, est ainsi prévue pour durer entre trois et quatre ans.
On se dirige tout droit vers une vague de démolition.
La première phase vise à parer au plus urgent, c’est-à-dire à assurer le clos et le couvert (charpente, couverture, menuiseries extérieures, façades, etc.). La seconde phase, celle de l’aménagement intérieur, débutera plus tard. Pour Urgences Patrimoine, qui a lancé l’opération « Un geste à l’édifice », le mécénat de compétences peut constituer une solution.
En pratique, des artisans ou des groupes (à l’exemple de Bouygues Construction) mettent leur savoir-faire à disposition. L’association vient d’ailleurs de signer un partenariat avec la chambre des métiers et de l’artisanat de Bourgogne et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) afin de développer le procédé.
Marianne Di Meo