La vie de château pour quelques nuits
L’introduction d’activités touristiques marchandes pour sauvegarder le patrimoine paraît une idée pertinente. Mais ce type de transformation se heurte à de nombreuses contraintes.
En 2018, le château de Versailles accueillera un hôtel de prestige d’une vingtaine de chambres et un restaurant gastronomique. Le complexe sera géré par le groupement LOV Hotel Collection, qui appartient à l’homme d’affaires Stéphane Courbit et au chef étoilé Alain Ducasse.
L’idée de proposer le gîte et le couvert dans des lieux d’exception fait son chemin depuis quelques années. En 2010 déjà, le Centre des monuments nationaux avait commandé une étude sur ce thème à l’agence de développement touristique Atout France.
Son objet : évaluer la faisabilité de projets hôteliers ou de restauration dans une vingtaine de sites classés, parmi lesquels la cité de Carcassonne. Cinq lieux avaient été jugés éligibles à la transformation, dont un seul pour devenir un hôtel.
Des projets complexes à mettre en œuvre
« Il existe trois types de freins à la réalisation de telles transformations, résume Olivier Petit, associé du cabinet de conseil In Extenso Tourisme, Culture et Hôtellerie.
L’équation économique est d’abord fonction du territoire sur lequel est implanté le site, et tout particulièrement de son accessibilité et de son potentiel touristique ; on ne peut pas toujours tirer vers le haut autant qu’on le voudrait les prix moyens des nuitées ou des menus.
Les nouveaux modèles économiques, ne doivent pas être entravés par des normes ou injonctions excessives.
Par ailleurs, l’exiguïté de certains lieux ne permet pas non plus de proposer les services inhérents à l’hôtellerie ou à la restauration haut de gamme ; enfin, la réhabilitation de certains bâtiments classés peut s’avérer techniquement impossible ou très coûteuse. »
D’ailleurs, nombre de professionnels insistent sur la nécessité d’alléger les règles imposées pour les interventions sur des monuments classés, car elles sont très compliquées et entraînent de tels surcoûts qu’il devient impossible d’atteindre le seuil de rentabilité.
Pour Christophe de Chassey, chargé du développement de l’hébergement et des filières touristiques chez Atout France, « assurer la pérennité du patrimoine, demande la création de nouveaux modèles économiques qui, tout en respectant l’architecture, ne doivent pas être entravés par des normes ou des injonctions excessives. Cela devra passer par l’assouplissement de certains partis pris, notamment au niveau des architectes des Bâtiments de France ».
Une privatisation des accès incompatible en France
Autre contrainte, et non des moindres : la volonté de la puissance publique de laisser les lieux dont elle est propriétaire ouverts à la visite, ce qui peut ne pas toujours être compatible avec la fréquentation d’une clientèle haut de gamme.
« On parle parfois, à tort, de faire des paradores (lire p. 32) à la française, observe Christophe de Chassey. Or, le contexte est tout à fait différent. En Espagne et au Portugal, la gestion hôtelière est la priorité, avec une privatisation des accès pour les seuls clients de l’hôtel. L’aspect culturel est relégué au second plan. »
C’est donc dans les dépendances, plutôt que dans les monuments historiques eux-mêmes, que sont installées les structures touristiques. À Versailles, par exemple, le complexe hôtelier de luxe sera implanté dans le bâtiment de l’hôtel du Grand Contrôle.
Le château de Fontainebleau, de son côté, a lancé un appel à idées pour reconvertir le quartier des Héronnières, qui abritait les anciennes écuries royales.
Vers une offre touristique plus accessible
L’hôtellerie de luxe n’est toutefois pas le seul moyen de valoriser ce patrimoine. Certaines collectivités n’hésitent pas à envisager d’autres types d’hébergement, dès lors que le site concerné le permet. Ainsi, une partie de la citadelle d’Ajaccio pourrait prochainement être transformée en auberge de jeunesse.
Une structure de ce type a déjà été intégrée, dès 1997, dans l’abbaye cistercienne de Cadouin, qui appartient au conseil départemental de Dordogne : « On peut aussi s’orienter vers une formule s’approchant davantage de la chambre d’hôte ou de l’hôtel « lifestyle », qui compte un nombre plus restreint d’unités d’hébergement et dont les codes donnent au client l’impression d’être chez lui, imagine Christophe de Chassey.
L’enjeu consisterait à y apporter une signature en relation avec l’histoire et l’art de vivre à la française. »
Marianne Di Meo
La Caisse des Dépôts s’investit
La CDC souhaite s’engager davantage à long terme dans des projets au service du développement économique des territoires. Qu’ils soient portés par des partenaires publics ou privés, ces projets patrimoniaux et culturels doivent renforcer et diversifier l’offre touristique.
La banque publique a déjà participé au financement de l’hôtel 4 étoiles (ouvert en 2004) implanté dans le château fort de Sedan. Vendu par l’État en 1962 à la ville pour un franc symbolique, il coûtait 100 000 euros par an en frais d’entretien. Il faillit être rasé pour laisser place à un centre commercial. La CDC annoncera d’autres projets en 2018.