Entre vente ou valorisation du patrimoine, comment faire face ?
Même si l’État n’a pas les moyens d’entretenir et de rénover ses nombreux monuments historiques, leur cession est loin d’être la solution miracle.
Depuis 2010, l’État s’est lancé dans un ambitieux programme de cessions immobilières afin de rationaliser son parc. Le patrimoine culturel n’a pas été épargné par ce plan et des biens prestigieux se sont retrouvés sur le marché : l’hôtel particulier parisien Montesquiou-Fezensac, désormais ambassade de Chine, le château de Nainville-les-Roches (vendu à un particulier en 2009 pour 4 millions d’euros), dans l’Essonne, le pavillon de chasse royal de la Muette (vendu à un diplomate pour 800 000 euros en 2014), situé en forêt de Saint-Germain-en-Laye, ou encore le couvent des Gravelines (vendu à un promoteur immobilier), à Rouen.
Le bien-fondé de cette politique est remis en cause dans la mesure où la vente des biens n’est pas toujours la solution la plus rationnelle d’un point de vue économique. De fait, même lorsqu’il n’est plus propriétaire, l’État continue de financer ce patrimoine par le biais de subventions et d’incitations fiscales.
Le patrimoine coûte mais rapporte également
Alors le garder ? Selon, le sénateur Albéric de Montgolfier, auteur d’un rapport sur la valorisation du patrimoine de la France (2010), un euro injecté dans le patrimoine, qu’il soit d’origine publique ou privée, entraîne des retombées sur l’activité économique de l’ordre de 10 euros. Mais cette manne serait, selon l’économiste Françoise Benhamou, « en partie un effet d’optique».
Sur des milliers de monuments classés, très rares sont ceux, à l’exemple du Mont-Saint-Michel et ses 2,5 millions de visiteurs annuels, qui dopent l’économie. Pas folles, les collectivités l’ont bien compris. En 2010, lorsque l’État a proposé de leur rétrocéder quatre-vingts monuments historiques dont il avait la charge, seuls cinq ou six sites ont trouvé preneur… Ceux qui rapportent, comme le château du Haut-Koenigsbourg offert au conseil général du Bas-Rhin.
Un cadre fiscal plus favorable pour le bail emphytéotique
Pas question, pour autant, que l’État et les collectivités baissent les bras. Plutôt que de pratiquer la politique de la table rase, les acteurs publics ont mis en place plusieurs régimes juridiques afin de confier la gestion à des partenaires privés : la délégation de service public, la régie intéressée, la concession, ou encore l’autorisation d’occupation temporaire assortie de droits réels.
Des régimes juridiques confiant la gestion à des partenaires privés.
Autre piste : le bail emphytéotique dit « administratif », consenti à des partenaires privés pour une durée oscillant entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Pour l’État, l’avantage est double. Il conserve la propriété dont la cession peut prêter à débat, tout en reportant la charge des coûts d’entretien et de restauration sur le bénéficiaire privé de l’emphytéose.
Le preneur y trouve aussi son compte puisqu’il paie « uniquement un loyer et n’a pas à intégrer de charge foncière dans son bilan, souligne Olivier Petit, associé du cabinet de conseil In Extenso Tourisme, Culture et Hôtellerie. La charge est donc lissée dans le temps et il a davantage de latitude pour financer les travaux ».
Cet instrument juridique est d’autant plus intéressant que, depuis le 1er janvier 2017, le preneur peut déduire de ses revenus fonciers les travaux réalisés sur l’immeuble, à condition que le bâtiment soit un monument historique inscrit ou classé. Cette mesure devrait donc stimuler l’intérêt des investisseurs privés, pour peu que l’État et le Centre des monuments nationaux acceptent plus volontiers que par le passé de s’engager dans cette voie.
Marianne Di Meo