Un patrimoine immobilier culturel si cher aux Français et aux pouvoirs publics
Comme 90% des Français sont attachés à leur patrimoine, l’heure est à la recherche de financements innovants pour le sauvegarder.
Le précepte de l’architecte Viollet-le-Duc est plus que jamais d’actualité : « Le meilleur moyen de conserver un édifice, c’est de lui trouver un emploi. ».
La France compte 44 030 monuments historiques, dont un peu plus de la moitié sont publics. Assurer leur entretien et leur restauration réclamerait 10,735 milliards d’euros, selon un rapport parlementaire de 2007 sur l’état du parc monumental français.
Trouver de nouvelles sources de financement
Environ 100 millions d’euros pour la restauration du Panthéon, 436 millions pour le Grand Palais, 250 millions pour le bâtiment Richelieu de la Bibliothèque nationale, 150 millions d’euros prévus pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont 2 millions d’euros par an pour l’entretien sont versés par l’État propriétaire. Les finances publiques n’arrivent plus à suivre.
La conservation du patrimoine est assez récente.
Stéphane Bern, chargé par le président de la République de trouver des financements innovants, a bien émis l’idée de faire payer l’entrée dans les églises. Aussitôt, la Conférence des évêques de France a rétorqué que « les cathédrales, alors même qu’elles font partie du patrimoine culturel de la France, sont avant tout des lieux de prière et de culte dont l’accès doit être libre ».
C’est pourtant ce qui se fait déjà en Italie. Outre-Manche, la cathédrale Saint-Paul de Londres propose même aux visiteurs une cafétéria en pleine crypte parmi les sépultures de l’amiral Nelson, vainqueur de Trafalgar ou encore du duc de Wellington, vainqueur de Waterloo. Shocking !
Faut-il alors céder certains bâtiments à des investisseurs privés ? Lorsqu’il s’y est essayé, le gouvernement a essuyé de vives critiques. Les transférer aux collectivités territoriales ? Elles sont exsangues.
Un patrimoine qui nous rassure
La disette budgétaire s’accompagne d’un accroissement du nombre de bâtiments protégés. Curieusement, la conservation de notre patrimoine est assez récente. Comme l’explique Pierre Nora dans « Présent, nation, mémoire », c’est sous la Révolution française que naquit la volonté de préserver les monuments, dans un mouvement de « nationalisation du passé ».
Et d’année en année, la tendance s’est accentuée. Du classement des monuments historiques à la peur de détruire un bien remarquable comme les halles Baltard, à Paris, s’ajoutent différents labels qui font gonfler l’enveloppe budgétaire. Que dire de ce besoin de tout conserver ?
Dans un article du « Monde » en 2012, des intellectuels avançaient l’idée que « propulsés vers un avenir moins lisible, nous tirons vers le passé pour nous rassurer ». « Au risque de devenir une collectivité qui n’arrive plus à se projeter ailleurs que dans ses restes, poursuit Saskia Cousin, anthropologue et maître de conférences à l’Université Paris I. Dans cette société-là, les individus eux-mêmes deviennent des objets patrimoniaux. »
Qu’à cela ne tienne, selon un sondage Odoxa en septembre 2016, ils sont neuf Français sur dix à être fiers de leur patrimoine qui « participe au rayonnement de la France dans le monde et est un élément important de la culture française ».
Un programme culturel créatif
Si le recours à des associations de défense du patrimoine n’a rien de nouveau, du moins permettent-elles de sauver des bâtiments. Ainsi, la Fondation du patrimoine, grâce au mécénat, soutient-elle plus de 20 000 projets de rénovation par an en parvenant à rassembler près de 1,5 milliard d’euros pour sauver des bâtiments publics et privés.
Mais grands mécènes et mécénat ne suffisent pas. Ce sont des financements innovants que réclame le président de la République. Il s’agit de rendre les monuments plus rentables pour qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Cette réflexion mûrit au sein du Centre des monuments nationaux (CMN).
L’hôtel de la Marine à Paris, qui ouvrira ses portes fin 2019, est un bon exemple de l’inventivité du CMN. Sur les 12 700 m², environ 6 500 m² seront destinés à la location de bureaux, auxquels s’ajouteront les recettes de ce nouveau pôle dédié à l’excellence française, à l’art de vivre, au design, à la gastronomie avec des masterclass de cuisine, etc.
« Il s’agit, précise Philippe Bélaval, président du CMN, de faire preuve de créativité ; pourquoi ne pas ouvrir les monuments à des logements privés, des bureaux, des Ehpad, des écoles ou des crèches ? Le loyer perçu permettrait de maintenir le monument en l’état. ». Un moyen de dépoussiérer les 100 sites qu’il gère et dont il parvient quasiment à autofinancer le fonctionnement (100 millions de recettes sur un budget de 105).
Marianne Di Meo