Le patrimoine, un levier de revitalisation des territoires
Françoise Nyssen, ministre de la Culture
La peur de se tromper ne risque-t-elle pas de protéger trop de monuments au risque de mal préserver ceux qui en valent la peine ?
La protection du patrimoine n’est pas un choix de circonstance, mais une procédure administrative très encadrée qui consiste, entre autres, à croiser les critères et les expertises.
La décision n’est donc pas prise de façon unilatérale : elle fait l’objet d’une concertation entre représentants de l’État, des collectivités territoriales, du monde associatif, aussi bien que des personnalités qualifiées et des professionnels du patrimoine.
Les dossiers sont examinés par deux types d’instances : les commissions régionales du patrimoine et de l’architecture pour une « inscription » au titre des monuments historiques, et la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture pour le « classement » d’un site, qui est le plus haut niveau de protection.
Cette procédure garantit la prise en compte des différents points de vue, et aboutit à des choix équilibrés et éclairés. Nous n’observons d’ailleurs pas d’inflation du nombre de décisions de protection. Au contraire même, le rythme diminue depuis une quinzaine d’années.
Bien que le patrimoine soit une richesse esthétique et des repères pour la collectivité, n’est-il pas un frein à la créativité ?
Cessons d’opposer patrimoine et création. Ils s’enrichissent mutuellement. Toute création part d’un héritage, qu’elle en soit un prolongement ou une réaction. Et, du côté du patrimoine, l’enjeu est précisément d’y faire entrer davantage la création pour rendre les sites encore plus vivants, et continuer d’attirer de nouveaux publics, notamment les jeunes générations.
Rendre les sites encore plus vivants et continuer d’attirer de nouveaux publics.
Tout cela passe par l’accueil d’artistes en résidence, d’installations contemporaines, l’investissement dans les nouveaux outils de visite numériques, etc.
Pour ce qui est de la rénovation et de la transformation des sites eux-mêmes, les architectes des Bâtiments de France sont là pour délivrer les autorisations qui assurent le respect du patrimoine et, au besoin, la prise en compte de nouvelles exigences d’intérêt général, notamment en matière écologique. La création est une chance pour le patrimoine.
Certains rapports préconisent une valorisation économique du patrimoine…
Le patrimoine peut être un levier de revitalisation pour les territoires en situation de désertification. C’est une réflexion que nous devons conduire avec les collectivités territoriales. D’abord, parce qu’elles sont les propriétaires de la majorité des 44 000 monuments historiques que compte notre pays et en assurent la gestion – je rappelle que 3% seulement appartiennent à l’État.
Mais aussi parce que ce sont les collectivités territoriales, les élus de terrain qui ont la connaissance fine du territoire. Ils sont donc les mieux placés pour stimuler le rayonnement patrimonial. Le gouvernement a lancé, cet automne, l’expérimentation de plans de revitalisation dans 17 villes de France, dans le prolongement des recommandations faites par l’ancien sénateur Yves Dauge.
Le ministère de la Culture participe, aux côtés du ministère de la Cohésion des territoires notamment, à l’accompagnement des collectivités territoriales concernées. Cette action sur le patrimoine est l’un des axes forts de la politique de proximité que je déploie, avec l’ouverture accrue des bibliothèques, le Pass Culture, ou encore la systématisation de la pratique artistique dans les écoles.
Propos recueillis par Marianne Di Meo