« Je compte jouer le rôle de lanceur d’alertes et d’agitateur pour que les choses bougent »
Stéphane Bern, journaliste, présentateur d’émissions de télévision sur le patrimoine, chargé d’une mission de préservation du patrimoine
L‘importance de notre patrimoine historique est-il un frein à sa préservation ?
Plusieurs de nos voisins, comme l’Italie ou le Royaume-Uni, ont davantage de monuments. Ce qui soulève un problème, ce n’est pas leur éventuel surnombre, mais le fait que leur entretien ne soit pas budgété dans les dépenses de l’État.
Par ailleurs, il faut que la France se rende compte que son patrimoine n’est pas seulement une charge, mais aussi une richesse qui peut rapporter si on le valorise. N’oublions pas que notre pays reste la première destination touristique mondiale.
Comment sauver ce patrimoine ?
La sauvegarde du patrimoine est l’affaire de tous. Les dotations de l’État sont en baisse et plus de la moitié du patrimoine est située dans des communes de moins de 2 000 habitants qui n’ont pas les moyens de l’assumer.
Je suis en discussion avec Airbnb pour la location de chambres dans des monuments historiques (Stéphane Bern).
Depuis que la mission m’a été confiée par le président de la République, je constate une très forte mobilisation de la part des élus de petites communes pour sauver le petit patrimoine, et aussi des associations qui œuvrent sur le terrain.
La mobilisation a, par exemple, payé pour le site archéologique de la Corderie, à Marseille. La ministre de la Culture, que nous avons alertée sur ce sujet, a obtenu des garanties de la part du groupe Vinci sur la mise en valeur des vestiges de la carrière qui s’y trouvent.
Même chose pour la halle Lustucru, à Arles, qui devrait faire l’objet d’une mesure de protection. Je compte jouer le rôle de lanceur d’alertes et d’agitateur pour que les choses bougent.
Quelles nouvelles sources de financement proposez-vous ?
Il n’est en aucun cas question de fossiliser le patrimoine ou de le mettre sous cloche. Je suis donc favorable à la transformation de son usage, par exemple, en installant des espaces de co-working ou des sièges sociaux de start-up dans des monuments historiques.
Parallèlement, je suis en discussion avec Airbnb afin de proposer, sur leur plateforme, des chambres à louer dans des monuments historiques.
Autre piste : des mécènes privés seraient disposés à financer la restauration de monuments, où ils pourraient ensuite exposer leurs collections privées.
En ce qui concerne le Loto du patrimoine, un tirage supplémentaire aura bien lieu à l’occasion des Journées du patrimoine 2018. Nous sommes déjà en train de l’organiser avec la Française des jeux. L’idée est de pérenniser cette initiative.
Je souhaiterais aussi mettre en place un club, sur le modèle du National Trust britannique, dont les actions seraient financées par les cotisations des membres.
Quelles qu’elles soient, les solutions ne viendront pas de l’État, qui ne peut pas tout faire, ni des collectivités, qui ont d’autres priorités.
Quels rapports entretenez-vous avec les services de l’État ?
Je ne cherche pas à me substituer à la puissance publique. N’étant ni un élu ni un fonctionnaire, je jouis d’une grande liberté. Je vais m’appuyer sur les deux soutiens qui fondent ma légitimité, le grand public et le président de la République, pour faire bouger les choses.
La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, est très concernée par cette question et très à l’écoute.
Propos de Stéphane Bern recueillis par Marianne Di Meo