« S’intéresser au vécu des usagers devient une tendance forte »
Florent Boithias, directeur de projet Villes et territoires intelligents, Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement)
Comment le numérique peut-il renouveler la relation entre citoyens et collectivités ?
Au niveau local, le numérique permet de s’adapter aux nouveaux usages des habitants et de contribuer ainsi à l’amélioration de la qualité des services qui leur sont proposés.
C’est l’opportunité, par exemple, de simplifier les démarches administratives et de regrouper différents services grâce à un guichet unique, comme l’a fait la métropole nantaise avec l’appli « Nantes dans ma poche », qui vise à simplifier la vie au quotidien de tous les usagers.
Le numérique, parce qu’il remet en cause la pertinence de l’organisation verticale de la démocratie représentative, contribue aussi au renouvellement de la relation de confiance entre la collectivité et les citoyens, sur la base de valeurs de partage et de créativité.
Au-delà de la concertation traditionnelle, il va permettre de concevoir différemment les nouveaux services, comme le fait, par exemple, à Lyon, le living lab Tubà, qui associe les citoyens dès la phase de conception et les invite à tester ces nouveaux services avant de les généraliser.
Le citoyen est ici reconnu comme un expert d’usage. S’intéresser au vécu des usagers devient une tendance forte à travers notamment le design des services publics, mis en pratique par certaines collectivités, comme Mulhouse, avec le soutien du laboratoire de La 27e Région.
N’y a-t-il pas un risque de déshumanisation de cette relation ?
L’innovation pose la question de l’égalité des chances, il faut faire en sorte que certains citoyens ne soient pas marginalisés ou exclus face au numérique.
Chaque projet d’un territoire doit s’adapter à ses spécificités et aux besoins de ses habitants.
Différentes approches sont possibles, certaines collectivités prennent déjà en compte la nécessité de mettre en place des dispositifs de médiation pour accompagner les plus fragiles et les préparer au changement.
L’autre risque tient à la fracture numérique, qui ne met pas tous les territoires sur un pied d’égalité face, notamment, à la desserte en haut débit.
Le numérique permettra-t-il à chaque territoire de se différencier ?
Chaque projet d’un territoire doit s’adapter à ses spécificités et aux besoins de ses habitants. Que des services soient développés avec le concours, ou non, d’entreprises privées, tout comme la façon dont ils seront gérés, ces questions relèvent de la souveraineté de la collectivité en matière de services et de données.
Si l’ouverture des données est un acquis, plusieurs modalités peuvent être appliquées : une ouverture la plus large possible, sans aucun contrôle, ou au contraire, une ouverture soumise à encadrement pour permettre d’identifier les utilisateurs de ces données, en particulier lorsque ce sont des entreprises privées.
De même, entre sécurité des systèmes et fluidité d’utilisation, que faut-il privilégier ? Il faudra procéder à des arbitrages et tous ces éléments vont jouer sur la qualité de vie des habitants, chaque collectivité pouvant faire des choix différents.
Mais toutes, quelle que soit leur taille, sont concernées. Si les petites et moyennes collectivités n’ont pas les mêmes moyens que les grandes métropoles, elles peuvent néanmoins développer de nouveaux modèles de démocratie de proximité grâce au numérique et à une connaissance plus fine des besoins des usagers.
L’important est de sensibiliser les élus à ces enjeux. C’est le rôle du Cerema qui, à l’occasion du Salon des maires, a édité une plaquette sur les enjeux de la transition numérique.
Propos recueillis par Christiane Navas