Repenser les services publics grâce au design thinking
La démarche, qui met l’usager au cœur de la refonte des services publics, prend de l’ampleur. Fondée sur un principe de co-construction, elle séduit de plus en plus de collectivités.
Le design thinking est tendance aujourd’hui. Après s’être développé dans l’industrie et les services, il investit aujourd’hui le champ des politiques publiques. A l’origine, le but premier du design est d’inventer, d’améliorer ou de faciliter l’usage d’un produit ou d’un service, en partant de l’expérience vécue par les utilisateurs finaux.
Cette même préoccupation se retrouve aujourd’hui dans la démarche de transformation de l’action publique engagée par le gouvernement, avec pour volonté de donner la parole à l’usager.
Nous allons « travailler à la rencontre des expériences et des propositions de tous : les agents, les usagers du service public, mais aussi les experts issus de tous les horizons », a rappelé Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, lors du lancement du programme Action publique 2022.
Mieux prendre en compte l’usager
« Il y a aujourd’hui un réel appétit des collectivités publiques pour le design », constate Stéphane Vincent, délégué général de La 27e Région, un laboratoire d’innovation au service de la transformation des politiques publiques, lancé il y a une dizaine d’années. La 27e Région est aujourd’hui une référence en matière de design appliqué aux services publics.
Le design introduit une logique d’essais/erreurs dans l’élaboration des politiques publiques.
« Le design introduit une logique d’essais/erreurs dans l’élaboration des politiques publiques, explique Stéphane Vincent. Il permet d’engager des démarches de tests avec les utilisateurs, de réaliser des prototypes qui vont réduire les risques d’échec. Le design repense le service à partir des usages. »
Il répond ainsi aux attentes d’usagers qui, invités à donner leur point de vue à tout propos sur les réseaux sociaux, veulent aujourd’hui avoir aussi leur mot à dire pour ce qui est des services publics. Ce mouvement de fond n’est pas propre à la France, il monte en puissance dans les différents pays d’Europe et du reste du monde.
Une démarche multidisciplinaire
Déployer une démarche de design au sein de l’administration, même pour améliorer la qualité du service public, bouscule souvent les codes établis. Elle part du terrain sans se préoccuper des relations hiérarchiques.
Multidisciplinaire, elle réunit agents, usagers, sociologues, experts métiers, souvent dans une logique d’immersion, afin de dresser un état des lieux du service sans idées préconçues. En se mettant à la place de l’usager, l’agent pourra percevoir son rôle différemment et ainsi mieux appréhender ce que l’on attend de lui.
Cette première étape d’intelligence collective débouche sur la construction de prototypes élaborés en toute liberté, le droit à l’erreur libérant la parole et l’imagination. Une fois testés, ces prototypes seront, selon les résultats, mis en œuvre ou non, la décision finale appartenant toujours aux élus.
Pour Stéphane Vincent, « une démarche de design ne s’improvise pas ». Souvent complexe, elle remet en cause le fonctionnement d’une organisation et requiert l’intervention de professionnels. Une nouvelle filière se dessine pour les futurs designers, qui sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux enjeux des collectivités.
Christiane Navas