Le numérique doit siéger au cœur du plan de transformation de l’action publique
Pour mieux répondre aux attentes des citoyens et réduire les coûts de fonctionnement des services publics, le gouvernement joue la carte de la transition numérique. Un fonds de 700 millions d’euros permettra de financer les projets de déploiement de cette démarche.
«Peut mieux faire », ainsi pourrait-on résumer les conclusions du rapport 2016 de la Cour des comptes portant sur une généralisation des services publics numériques.
« Malgré une position honorable dans les classements internationaux, [notre] recours aux services publics numériques est encore insuffisant », analyse son président, Didier Migaud. « Alors que la France comptait 82% d’internautes en 2014, seuls 44% des Français utilisaient les services publics numériques », relève encore la Cour.
Le baromètre du numérique 2016 publié par l’Arcep dresse un tableau plus optimiste. Si le taux d’équipement des Français reste stable – 85% ont une connexion Internet à domicile et 82% un ordinateur –, 62% des personnes interrogées pour l’enquête annuelle ont réalisé des démarches administratives ou fiscales en ligne, soit une progression de 9 points sur un an. Mieux, six adultes sur dix se disent « peu ou pas du tout inquiets face à la généralisation de la dématérialisation de tous types de démarches ».
De l’administré au e-citoyen
Plutôt agiles avec Internet, les Français nourrissent aujourd’hui de nouvelles attentes, en tant qu’administrés, mais aussi en tant que e-citoyens.Convertis au commerce en ligne et aux échanges sur les réseaux sociaux (56% en sont membres), ils attendent des services publics accessibles 7j/7 sur ordinateur, tablette ou smartphone.
Ils veulent aussi pouvoir donner leur avis dans les projets qui les concernent au quotidien. Les collectivités publiques en ont pris acte. Les outils de démocratie participative (plateformes d’échanges sur des projets d’aménagement, budgets participatifs, open data, etc.) connaissent un succès croissant.
Dématérialisation ne rime pas toujours avec simplification.
Près de 68% des collectivités ont recours à ces nouveaux outils, d’après le baromètre 2017 du think tank Décider Ensemble. Elles n’étaient que 23% pour l’édition 2016. La dématérialisation des services publics s’avère plus laborieuse.
Les investissements, davantage focalisés sur des équipements informatiques et réseaux que sur la conception de services répondant aux attentes des usagers, ne sont pas toujours à la hauteur.
Quant aux besoins en formation des agents publics pour mener à bien cette transition numérique, ils ne sont pas toujours pris en compte. « La dématérialisation des procédures n’entraîne pas systématiquement leur simplification », regrette aussi la Cour des comptes.
Le Conseil d’Etat, qui vient de consacrer un rapport aux plateformes numériques va plus loin. Il suggère de s’inspirer de ce constat dans l’administration, afin de « réduire la complexité » et « permettre à chacun (…) d’exercer pleinement ses droits et remplir ses obligations ».
Utiliser le levier de la recomposition territoriale
Si les administrés ne sont pas hostiles au changement, à la condition, bien sûr, que soient accompagnés les plus fragiles, la nouvelle donne, qui a redessiné l’écosystème territorial ces dernières années, pousse aussi à repenser les services publics.
La recomposition du tissu des collectivités territoriales avec le développement des intercommunalités et la redistribution des compétences instaurée par la loi NOTRe invitent à la mutualisation des services et à la réduction des coûts de fonctionnement. Développer l’offre numérique peut y contribuer.
D’autant que l’Etat réclame des efforts supplémentaires. Lors de la conférence des territoires, en juillet 2017, le président de la République a fixé pour objectif aux collectivités locales 13 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de fonctionnement pour l’ensemble du quinquennat.
Cela ne devrait pas se traduire forcément par de nouvelles réductions de dotations, à la condition que les collectivités s’engagent d’elles-mêmes sur un chemin vertueux. Avec le programme Action publique 2022 lancé par le Premier ministre en octobre 2017, l’Etat compte montrer la voie à suivre pour transformer en profondeur l’action publique. Le numérique est au cœur du dispositif.
Dans le cadre du Grand plan d’investissement public (GPI) de 57 milliards d’euros sur la durée du quinquennat annoncé par le gouvernement, un fonds de 700 millions d’euros permettra de financer les projets pour construire « un Etat plus agile, en soutenant la transition numérique du système public ».
L’objectif affiché n’étant pas de faire plus avec moins, mais de faire mieux.
Christiane Navas