Vers un big bang des services publics
La refonte des services publics ne se limite pas à la seule dématérialisation. Elle impose de repenser l’offre en tenant compte des usagers, mais aussi des services proposés par les plateformes numériques privées.
«Les conditions semblent désormais réunies pour progressivement généraliser le recours aux services publics numériques. » La Cour des comptes, dans son rapport de 2016, malgré un constat plutôt mitigé, a souhaité envoyer un message positif. Il semble qu’elle ait été entendue. La feuille de route annoncée par le président de la République, et reprise dans le programme de modernisation de l’action publique, Action publique 2022, fixe le cap des 100% de services dématérialisés à l’horizon 2022.
Repenser les services publics oblige à tenir compte de l’évolution de l’offre privée.
Le taux d’équipement numérique des Français (82% possèdent un ordinateur, 65%, un smartphone, 85%, une connexion Internet, selon le Credoc) continue à progresser et ne fait donc plus obstacle. « La fracture numérique ne doit plus être appréhendée comme un frein à la modernisation numérique, mais comme une donnée qu’il faut prendre en considération et corriger », analyse Didier Migaud, le président de la Cour des comptes.
Ainsi, le Plan très haut débit a été revu par le gouvernement pour accélérer le déploiement de la fibre optique sur tout le territoire, désormais prévu pour l’horizon 2025. D’ici là, plusieurs étapes sont prévues pour garantir à tous les Français au moins l’accès à un bon débit. « L’illectronisme » sera également pris en compte. Mission a été donnée au secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, de veiller au nécessaire accompagnement des plus fragiles, « pour ne laisser personne sur le bord du chemin ».
Une urgence : la formation des agents
S’il est un point qui fait l’unanimité parmi les experts de la transition numérique des services, c’est bien celui de la nécessité d’investir dans la formation des agents. La maîtrise des outils numériques n’est pas seule en jeu, développer des services orientés vers les utilisateurs demande une approche différente des pratiques administratives qui ont dominé jusqu’ici.
C’est toute la démarche déployée par des acteurs comme La 27e Région, un laboratoire d’innovation qui initie les collectivités aux méthodes du design thinking, pour mettre l’usager au cœur de la refonte des services publics. Il faut aussi des moyens financiers. Dans le Grand plan d’investissement annoncé par le Premier ministre, 1,5 milliard d’euros devrait être consacré à la formation des agents publics, « en particulier aux métiers du numérique ».
Enfin, repenser les services publics oblige également à tenir compte de l’évolution de l’offre privée. Comme, par exemple, dans le secteur de la mobilité, avec le développement des services de covoiturage de proximité. « Nier la complémentarité des offres privées et publiques conduirait à une dégradation des services offerts aux habitants », analyse Luc Belot dans son rapport sur la smart city.
Le Conseil d’Etat, pour sa part, préconise de « dresser la cartographie des activités de service public concurrencées par les plateformes numériques et de franchir une nouvelle étape en s’interrogeant sur la pertinence de leur maintien ». Dans un contexte d’austérité budgétaire, cela contribuerait à conjuguer efficacité de la dépense publique et qualité de service, une des priorités affichées par le gouvernement.
Christiane Navas