Italie : Quand la CEDH sanctionne, les choses changent… temporairement
Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de 2013 a contraint les autorités italiennes à prendre une série de mesures contre la surpopulation. Son efficacité a été immédiate, même si son effet s’essouffle aujourd’hui.
En 2013, l’Italie est condamnée pour ses conditions de détention carcérale par un arrêt particulier de la CEDH : l’arrêt pilote Torreggiani. Sa nouveauté tient au fait qu’il ne se prononce plus sur un cas individuel, mais « reconnaît le caractère systémique et non-occasionnel des conditions de vie dégradées dans les prisons italiennes », explique Alessio Scandurra, membre de l’association italienne Antigone, qui s’occupe de la protection des droits et garanties du système pénal et accompagne d’anciens détenus dans leur requête auprès de la CEDH.
Près de 4000 plaintes reçues.
Cette décision forte de la Cour européenne résulte de l’afflux de plaintes – près de 4 000 – qu’elle avait reçues après avoir condamné l’Italie pour le cas Sulejmanovic en 2009. Ce détenu d’origine bosniaque avait dû partager sa cellule avec six autres prisonniers pendant deux mois et demi dans la prison romaine de Rebibbia.
En 2013, l’arrêt Torreggiani ne se prononce plus sur un seul cas, mais impose au gouvernement de résoudre le problème général de la surpopulation en un an (le taux d’occupation s’élève alors à environ 153%), de mettre fin aux conditions inhumaines et dégradantes de détention et de créer un moyen de compensation pour les prisonniers en ayant souffert.
Un électrochoc
Alors que le pays se prépare à prendre la présidence de l’Union européenne en juillet 2014, cette décision est un électrochoc. Très médiatisée, elle contraint le gouvernement à réagir. « Les plus hautes autorités du pays ont commencé à insister sur l’urgence des réformes à entreprendre, notamment le président de la République », se souvient Alessio Scandurra. Un décret-loi est adopté rapidement, supprimant les peines planchers et les restrictions d’accès à des peines alternatives pour les récidivistes.
Il réduit également la liste des infractions menant à la prison. Trois comités spéciaux sont créés par le ministre de la Justice : deux recherchent des mesures légales pour lutter contre la surpopulation, le troisième, des moyens d’améliorer la vie en prison. Concrètement, ce troisième comité, présidé par le fondateur de l’association Antigone, Mauro Palma, propose, par exemple, de ne fermer certaines cellules que la nuit, ce qui est le cas aujourd’hui pour quelque 39 000 détenus.
D’autres mesures sont progressivement mises en place, comme la limitation de la détention avant le jugement, ou l’encouragement des alternatives à la détention.
En outre, la Cour constitutionnelle abroge en 2014 la loi renforçant la répression des drogues. Au contraire, les peines sont allégées pour l’usage, la production et le trafic de drogues en petites quantités.
Quant aux prisonniers étrangers, lorsqu’il ne leur reste que deux ans à purger, ils sont expulsés et renvoyés dans leur pays d’origine ou dans un pays où ils peuvent séjourner légalement.
Des changements durables ?
Résultat, fin juillet 2015, les prisons italiennes comptent 52 144 détenus, soit 16 000 de moins qu’en 2010 ! « Les conditions d’incarcération se sont améliorées, reconnaît Alessio Scandurra. La décision de la CEDH a vraiment eu des effets positifs, quelques-uns seront probablement durables, mais pour beaucoup d’autres, seul le temps nous le dira. »
Las ! Ces deux dernières années, la population carcérale italienne a de nouveau augmenté : aujourd’hui 57 600 détenus occupent 50 500 places…
Félicité de Maupeou