Les prisons nouvelle génération : une fausse bonne idée ?
Cellules individuelles, rationalisation de l’espace… les principes d’édification des prisons ont évolué, mais ils sont quelquefois contradictoires avec les objectifs de lutte contre la surpopulation.
«Après la Seconde Guerre mondiale, la qualité des bâtiments pénitentiaires et le respect envers les détenus se sont dégradés, nous sommes passés à côté d’une réflexion sociale sur la prison. Aujourd’hui, la prison est cachée, comme si elle n’existait pas. Exclue des centres-ville, où elle était auparavant, sa place est dans les zones périurbaines – à l’exception notable de la prison de la Santé qui sera maintenue dans Paris après sa rénovation. Un choix politique que je salue », explique Nicolas Kelemen, architecte et consultant pour l’Agence publique de l’immobilier pour la justice (APIJ).
Mais depuis une dizaine d’années, « une réflexion philosophique sur la prison émerge à nouveau en France », se félicite-t-il.
L’objectif d’encellulement individuel accentue la surpopulation
L’un de ses points clés est l’encellulement individuel, qui devrait concerner 80% des détenus d’ici la fin du quinquennat, comme s’y est engagé Emmanuel Macron. L’objectif est louable, mais pour Nicolas Kelemen, « le problème de la surpopulation vient aussi de la volonté de garantir un encellulement individuel ».
En effet, ce principe concentre tous les efforts, empêchant de considérer d’autres solutions, comme les cellules collectives de six ou sept personnes qui permettraient de faire baisser plus rapidement la pression démographique. « Celles de Fleury-Mérogis fonctionnent pourtant plutôt bien », poursuit-il. Et d’insister : « L’encellulement individuel ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la politique pénitentiaire. »
D’autant plus qu’il peut être mal vécu par les détenus, qui se retrouvent isolés, surtout lorsqu’ils ont peu d’activités et passent presque toute leur journée en cellule.
Des nouvelles prisons qui supportent moins bien la surpopulation
Aujourd’hui, une maison d’arrêt est en construction entre Luynes et Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et douze autres projets sont en phase d’étude. Dans ces nouvelles constructions, une tendance est à l’œuvre : « Chaque mètre carré y a une fonction bien précise afin d’optimiser l’espace, explique Nicolas Kelemen.
Or, ces établissements supportent moins bien le dépassement de leur capacité d’accueil. Ils n’ont pas les hauteurs sous le plafond ou les grandes nefs des anciennes prisons qui rendent la surpopulation moins insupportable. » Ultra-rationnalisées, ces nouvelles prisons ont tout de même l’avantage de connaître un assouplissement des normes de sécurité depuis environ trois ans.
Un pas vers la diminution de la pression démographique, puisque l’empilement progressif des critères de sécurité a fait perdre beaucoup d’espace et d’argent aux projets pénitentiaires. Ainsi, pendant longtemps, 65% de leur surface étaient obligatoirement neutralisée et inexploitée par mesure de précaution.
Par exemple, un vaste no man’s land – un « glacis » – entourait obligatoirement les quatre murs d’enceinte afin d’empêcher l’envoi d’objets depuis l’extérieur. Aujourd’hui, ces glacis peuvent être localisés aux seuls endroits stratégiques, libérant de la place et de l’argent susceptibles d’être utilisés pour de nouvelles cellules.
D’autres habitudes, gourmandes en financement et en espace, pourraient être remises en question : que dire des miradors, très peu utilisés, que la France est l’un des derniers pays à construire ?
Félicité de Maupeou