La prison demeurera une spécialité parlementaire
Depuis quinze ans, une expertise sur la prison a été accumulée dans les hémicycles. Que deviendra-t-elle sous la nouvelle législature ?
Jeanne Chabbal, docteure en science politique
Longtemps gérée en vase clos par l’administration pénitentiaire, comment la prison est-elle finalement entrée en politique ?
Considérée comme un sujet peu noble et complexe, la prison a longtemps été traitée a minima par le politique, sous les seuls angles immobilier ou des lois de finances.
Elle entre véritablement dans le champ politique, par le biais du sujet de la surpopulation carcérale quand, au début de l’année 2000, « Le Monde », suivi par d’autres médias, publie des extraits du livre de Véronique Vasseur, alors médecin-chef de la maison d’arrêt parisienne de la Santé, dont elle dénonce les conditions de détention.
Les photos choquantes scandalisent l’opinion et l’appel à la défense des droits de l’homme anoblit le sujet. La mobilisation est rapide et unanime, puisque, dès février 2000, des commissions d’enquête se constituent au Parlement et des propositions de résolution sont rapidement déposées par les différents groupes. Robert Badinter au Sénat et Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée, s’emparent du sujet.
Cette prise en charge par le politique a-t-elle été un gage de progrès ?
Le sujet de la surpopulation fait l’objet d’un certain consensus républicain, il n’a donc pas pâti des alternances politiques. Ainsi l’humanisation des conditions de vie des détenus reste une préoccupation parlementaire malgré les changements de majorité.
Le sujet de la surpopulation fait l’objet d’un consensus, il n’a donc pas pâti des alternances politiques.
Concrètement, les annonces par les gardes des Sceaux de programmes immobiliers successifs sont les éléments les plus saillants de cette prise en charge politique, mais il existe aussi un travail de fond pour développer des alternatives à l’incarcération. Ainsi, Jean-Jacques Urvoas a certes annoncé un plan immobilier d’envergure, mais il est également à l’origine d’une circulaire destinée aux magistrats afin d’encourager l’application de la contrainte pénale.
En termes législatifs, le travail politique est fait. Aux acteurs de terrain de se saisir des moyens mis à leur disposition par la loi, tels que le recours au milieu ouvert.
Le renouvellement du Parlement représente-t-il une menace pour l’expertise accumulée?
Le renouvellement de l’Assemblée est inédit, mais il n’est pas total. Ainsi la commission des lois compte des « anciens », spécialistes de la question, comme Jean-Luc Warsmann (Les Constructifs), Jean-Michel Clément (LREM) ou encore Guillaume Larrivé (LR). Le sujet pénitentiaire continue donc à être porté.
En outre, il faut compter sur l’expertise des fonctionnaires du Parlement, notamment les administrateurs, qui rédigent en grande partie les rapports et qui accompagnent les élus. Quant aux nouvelles têtes, plusieurs membres de la commission des lois, comme sa présidente Yaël Braun-Pivet, avocate spécialisée en droit pénal, pourraient avoir une appétence pour ce sujet.
Au Sénat, Philippe Bas (LR) se positionne sur les questions pénitentiaires avec deux propositions de loi déposées en juillet dernier. Il avait piloté la mission de la chambre haute sur le redressement de la justice, qui avait fait consensus au Parlement lors du précédent quinquennat. Il entend donc valoriser le travail fait et peut-être influer sur la future loi de programmation de la justice.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou
INFO +
Ancienne collaboratrice parlementaire, Jeanne Chabbal est l’auteure de « Changer la prison. Rôles et enjeux parlementaires », Presses universitaires de Rennes (2016)