La surpopulation s’explique surtout par la hausse de la durée des peines
Sur le long terme, on n’emprisonne pas plus qu’avant. Mais les peines ont tendance à s’allonger, venant grossir les effectifs de prisonniers.
«La France traverse la période la plus punitive de son histoire récente en temps de paix », s’alarme le sociologue Didier Fassin dans son ouvrage « Punir, une passion contemporaine » (Seuil, 2017). La « tendance générale à la pacification des espaces sociaux » et l’«expansion des attentes morales » seraient à l’origine de l’intolérance croissante de l’opinion publique envers la délinquance. Un courant exploité par les politiques, qui encouragent le recours à la prison afin de satisfaire leurs électeurs.
Depuis un an, le nombre de détenus a cessé d’augmenter.
Un « populisme pénal », selon le sociologue, qui regrette que de nombreux « conflits interpersonnels qui pouvaient trouver des solutions empiriques locales passent désormais par la police, (…) la justice, parfois la prison ».
Ainsi des pratiques jusqu’alors ignorées par la loi – incivilités, menaces, agressions verbales, altercations dans les couples ou entre voisins, stationnement dans les halls d’immeubles, port de certains signes religieux – peuvent maintenant mener à la prison.
Au final, il n’y a pas d’inflation carcérale
« Cela n’a qu’un impact marginal », tempère Pierre-Victor Tournier, démographe, criminologue et spécialiste des statistiques pénitentiaires. Le nombre de personnes détenues a certes augmenté de 19,3% entre 1995 et 2016 (parallèlement à la population française : 12%), mais calculée sur le long terme, cette tendance disparaît.
« En 1980, on comptait 97 000 personnes en détention ! En 2014, les personnes sous écrou (c’est-à-dire celles détenues en milieu fermé, et celles en milieu ouvert) sont 86 600, soit plus de 10 000 de moins, affirme Pierre-Victor Tournier. Dire que les prisons sont plus utilisées qu’autrefois est donc faux. »
En outre, depuis un an, le nombre de détenus a cessé d’augmenter : entre juillet 2016 et juillet 2017, sa croissance s’élève à 0,4%, soit à un peu près celle de la population française. Cela ne permet pas de présager de l’évolution des prochaines années car cette stagnation « s’étend encore sur une trop courte période, mais dans tous les cas, nous sommes loin des 9% de croissance au cours de l’année 2007 ! », décrypte Pierre-Victor Tournier.
Des peines qui s’alourdissent
Alors comment expliquer la surpopulation carcérale ? La réponse se trouverait notamment dans la hausse de la durée des peines. Les détenus restent plus longtemps en prison, alourdissant les effectifs. Ainsi les viols et agressions sexuelles ou encore les vols avec violence sont punis plus sévèrement.
« Mais là encore, il est difficile d’en tirer une conclusion », précise Pierre-Victor Tournier. Alors que pour un viol, la peine d’emprisonnement encourue est de quinze ans dans le code pénal, les condamnations s’élèvent en moyenne à huit ans, sachant que la peine peut ensuite être aménagée. Or les appareils statistiques de suivi des étapes de la peine manquent. Difficile donc, de savoir si le viol est effectivement plus lourdement puni qu’avant.
De plus, des infractions additionnées, voire des circonstances aggravantes changent souvent l’importance de la peine : dans le cas d’un viol, par exemple, un vol peut s’ajouter, ainsi que le jeune âge de la victime. « Ces complexités rendent difficile le dessin de grandes généralités sur un éventuel durcissement pénal », poursuit le spécialiste.
En l’absence d’appareil statistique rigoureux, il appelle donc à la prudence sur un sujet souvent instrumentalisé à des fins politiques et idéologiques.
Félicité de Maupeou