Face aux détenus en surnombre, les surveillants sont en sous-effectif chronique
« En surnombre, les détenus prennent quelquefois le pouvoir ! Dans la réalité, nous ne gérons plus rien. La preuve, avec les photos ou les vidéos postées sur les réseaux sociaux, montrant des piscines gonflables et des fêtes dans les cellules… », alerte Stéphane Barreau, secrétaire général adjoint de l’UFAP-UNSA, premier syndicat de l’administration pénitentiaire.
Aux Baumettes (Bouches-du-Rhône) et à Fresnes (Val-de-Marne), on compte un surveillant pour 200 détenus d’après le syndicaliste, qui décrit « des cellules saturées – où s’entassent deux, trois, quatre lits et des matelas – dont il est difficile de contrôler les locataires et leurs placards bondés. Dans ces conditions, les demandes d’activités hors des cellules augmentent, sans que nous puissions les satisfaire ».
Face à des prisonniers en surnombre, les parloirs et les cours de promenade deviennent aussi trop petits. « La surpopulation exacerbe les tensions partout dans la prison », explique Stéphane Barreau.
Résultat, une « souffrance professionnelle intolérable », évoquée par Jean-René Lecerf, spécialiste de ces questions, dans le Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire (avril 2017).
Enrôler 29 000 agents d’ici dix ans
Le recrutement s’est donc accéléré. Le problème est que l’« on recrute de plus en plus [d’agents], mais on en perd aussi de plus en plus en cours de route », constate Stéphane Barreau. 10% des surveillants de prison démissionnent dans les trois ans suivant leur embauche.
En cause, selon le syndicat, les campagnes de communication qui ne reflètent pas la réalité du métier. « La confrontation avec la dureté de notre quotidien est difficile. Il y aussi le salaire – autour de 1 500 euros net –, insuffisant au regard des 20 à 30 heures supplémentaires par semaine, souvent payées en décalé ».
Sans oublier les déménagements, car la majorité des postes, surtout en début de carrière, sont situés à Paris.
La pénurie devrait s’aggraver à partir de 2020, avec le départ massif à la retraite des agents recrutés lors du plan prison des années 1990. Or, la construction de 15 000 places de prison annoncée par Emmanuel Macron réclame 29 000 agents supplémentaires dans les dix prochaines années.
Pour Stéphane Barreau, « il faudrait recruter 2 000 surveillants par an alors que l’ENAP (L’Ecole nationale d’administration pénitentiaire) ne peut en former que 1 000 tous les ans ! ». « Les politiques ne connaissent rien à la prison et l’administration pénitentiaire a des moyens ridiculement faibles et très peu d’autorité », ajoute le syndicaliste, qui pointe une politique menée par à-coups, sans vision à long terme.
Des établissements à taille humaine pour redonner du sens au métier
Plus globalement, le métier subit une perte de sens. « Notre rôle se borne à du contrôle, alors qu’un surveillant a théoriquement autant une mission de garde que de réinsertion.
C’est un métier usant, malsain, où l’on côtoie la misère du monde, les dangereux, les fous…
Dans les années 1990, nous avions des échanges avec certains détenus. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », déplore Stéphane Barreau. Pour recréer cette proximité, le syndicat plaide pour des « établissements à taille humaine – de 200 personnes, contre les 3 000 que compte, par exemple, la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) ».
« C’est un métier usant, malsain, où l’on côtoie la misère du monde, les dangereux, les fous… Pour recruter, il faut lui redonner du sens. Mais faire de “belles prisons” coûte cher et n’est pas populaire… » conclut le secrétaire général.
Félicité de Maupeou