QUESTIONS À… Jean-Pascal Assailly, chercheur à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar)
Comment expliquer l’accroissement des comportements dangereux au volant ?
Conduire est avant tout un apprentissage entre les générations. L’enfant est spectateur du comportement de ses parents. Leur conduite au volant les influence.
A l’âge adulte, la recherche de sensations fortes est souvent l’expression d’une émotion refoulée dans l’enfance. La voiture est un excellent défouloir des frustrations de la vie quotidienne.
C’est aussi une régression. Au volant, les conducteurs reviennent à des réactions puériles et se sentent les maîtres du monde. C’est un sentiment de toute puissance dans laquelle l’autre n’existe plus. Et s’il n’existe plus, à la limite, sa vie m’importe peu.
Davantage que la vitesse ou l’alcool, c’est l’individualisme qui tue sur la route.
Le lien entre l’homme et la voiture évolue-t-il ?
La relation entre l’homme et l’automobile est devenue moins passionnelle. La voiture se réduit à une fonctionnalité, qui est de nous transporter.
Cette neutralité dans le rapport a permis d’améliorer la prise de conscience collective. La plupart des automobilistes sont plus responsables, aujourd’hui, que ceux des années soixante-dix, même si la majorité d’entre eux se comporte encore différemment au volant et dans leur vie.
Des conducteurs dangereux peuvent se montrer prudents avec leur compte en banque. D’autres prennent des risques en ski hors pistes, puis rentrent en voiture avec une extrême prudence.
On peut adopter des comportements dangereux, mais en sélectionnant les entorses que l’on s’autorise à commettre. On se déculpabilise en se persuadant que ce sont les infractions commises par les autres qui sont dangereuses et provoquent des accidents mortels. Bien entendu, c’est faux.
Le bilan de la sécurité routière procède de l’addition de toutes ces infractions.
Propos recueillis par Audrey Chaussalet