« Nous souhaitons amplifier le rapprochement entre production et distribution » – interview de Jacques Creyssel DG de la Fédération du commerce et de la distribution
Comment expliquez-vous la crise que connaît le monde agricole ?
La crise agricole actuelle est une des plus graves depuis vingt ans. Des drames humains se jouent au quotidien.
Au-delà des déclarations d’estrade, qui mettent parfois injustement en cause la distribution, tous les professionnels savent qu’il s’agit avant tout d’une crise de marché, avec une accumulation de difficultés : un déséquilibre entre offre et demande sur de nombreux produits, des récoltes céréalières difficiles, la fermeture de certains marchés à l’export, la baisse de la consommation de viande et de produits laitiers.
A cela s’ajoutent des éléments structurels, comme des coûts de revient très disparates selon les exploitations, des charges supérieures en France par rapport à nos voisins, un manque d’organisation collective et une adaptation parfois insuffisante aux attentes des consommateurs.
Cette crise ne laisse pas indifférente la distribution, qui vend, directement ou indirectement, les deux tiers de la production agricole française. Depuis plusieurs années, nos enseignes travaillent aux côtés des producteurs pour trouver des solutions, à travers des engagements sur le lait ou les bovins, ou en développant les contrats tripartites sur des filières qualité. Ce rapprochement entre production et distribution est majeur et nous souhaitons l’amplifier.
Quelles actions allez-vous entreprendre pour aider la filière agroalimentaire ?
La distribution a besoin d’un secteur de production fort. Près de 80% de la croissance de nos ventes en 2016 sont venues de produits à marque PME, souvent locaux, bio ou sans gluten. Dans le même temps, nous importons les deux tiers de notre porc bio, pourtant rémunéré trois fois plus cher à l’éleveur, par manque de production française.
Aller de la fourchette à la fourche, et non plus seulement l’inverse.
C’est cela qu’il faut changer : aller de la fourchette à la fourche, et non plus seulement l’inverse. Il s’agit de créer un véritable partenariat reposant sur trois piliers.
D’abord, la définition commune de priorités, filière par filière, avec des actions publiques redéfinies. Cette mission pourrait être confiée à France Stratégie, avec pour objectif d’établir en six mois, un véritable diagnostic commun et des priorités stratégiques de redressement.
Ensuite, la transparence des prix et des marges de la part de tous les acteurs, notamment les industriels, afin de recréer un climat de confiance. Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur métier et bénéficier de l’évolution des cours mondiaux, comme des efforts faits par la distribution. Un renforcement de l’information des consommateurs sur les méthodes et caractéristiques de production est également indispensable.
Et enfin, la mise en place d’instruments modernes de lutte contre la volatilité des matières premières, par des mécanismes de régulation, d’assurances ou de couverture. Il faut encourager une meilleure organisation des producteurs, renforcer la contractualisation sous forme de contrats tripartites et de filières, et rendre obligatoires les interprofessions longues.
Quels sont les défis majeurs que la FCD doit relever ?
Nous vivons une révolution des modes de consommation en faveur de plus de qualité. 79% des Français font le lien entre leur alimentation et leur santé et sont prêts à acheter plus cher pour de la qualité. C’est une chance formidable qui nous permettra de sortir du débat sur la répartition de la valeur pour aller vers une augmentation de la valeur.
Propos recueillis par Jean-Marie Constans