L’inflation des normes pénalise l’agriculture
La multiplication des réglementations, européennes et nationales, pèse lourdement sur l’activité des agriculteurs et accentue la distorsion de concurrence.
La hauteur de l’herbe dans une parcelle viticole, la force du vent lors de l’épandage, le diamètre des tomates, le nombre de fleurs dans une prairie… Un véritable inventaire à la Prévert, qui confine parfois à l’absurde. On comptabiliserait en France quelque 400 000 normes.
Si toutes ne concernent pas l’agriculture, le secteur se trouve particulièrement visé par une avalanche de contraintes environnementales, sanitaires et administratives, certes, parfois nécessaires pour préserver les écosystèmes, la santé – tant des consommateurs que des producteurs –, la qualité des produits ou prévenir les épizooties.
Des dispositions perçues comme une agression.
Mais leur inflation est souvent perçue comme une véritable agression par les agriculteurs. Cet arsenal dense est pénalisant pour l’ensemble des filières.
Ceci d’autant plus que, souvent, à l’ensemble de la réglementation européenne, telle la directive-cadre sur l’eau, s’ajoute un nombre conséquent, et parfois redondant, de normes franco-françaises. L’expression, peut-être, du tropisme administratif national, ou un moyen d’éviter les condamnations de la Cour de justice européenne, comme ce fut le cas pour la directive nitrates. Mais qui introduisent souvent une distorsion de concurrence supplémentaire avec les autres pays, avec des conséquences économiques non négligeables.
L’OCDE établit ainsi à 3 points du PIB, soit 60 milliards d’euros, le coût de la complexité des normes en France.
Un principe d’adaptabilité
Au-delà d’un constat unanimement reconnu, le monde agricole est toujours dans l’attente du « choc de simplification » promis par le gouvernement. La question de la méthode et des outils à mettre en œuvre se révélant de fait complexe.
Les récents travaux en la matière du groupe de travail présidé par le sénateur du Jura Gérard Bailly au sein de la commission des affaires économiques du Sénat, et le rapport remis en décembre dernier au ministre de l’Agriculture de l’époque par la sénatrice du Morbihan Odette Herviaux, destiné à compléter le travail du Corena*, convergent dans un ensemble de propositions. A commencer par le fait d’associer la profession agricole à l’élaboration et l’application des nouvelles normes, de mieux analyser leur impact et de faciliter les dérogations.
Un principe déjà inscrit dans une proposition de loi élaborée par Pierre Morel-A-L’Huissier, député de Lozère et membre du CNEN** afin d’éviter un trop long travail législatif de « déstockage ». En substance, la création d’un principe de subsidiarité et d’adaptabilité en fonction des spécificités et des contingences locales, ou en cas de surcoût trop important lié à l’application d’une norme.
Jean-Marie Constans
*Comité pour la rénovation des normes en agriculture.
** Conseil national d’évaluation des normes.
Normes privées et durabilité
Conçues et mises en œuvre en dehors des instances publiques par divers opérateurs du secteur agroalimentaire, voire par des ONG, ces normes privées définissent des critères de production basés sur les principes du développement durable.
Elles connaissent un fort développement dans la grande distribution, soucieuse de s’assurer, au-delà d’un marché de niche, un gain de compétitivité.