« Les politiques agricoles des pays membres de l’UE n’ont pas grand-chose en commun » – interview de Patrick Ferrère DG du think tank Saf agr’iDées
Alors que la grande majorité des Etats de l’Union européenne souhaite conserver la politique agricole commune (PAC), force est de constater que leurs différentes mises en œuvre sont très hétérogènes. Une redéfinition des règles de la PAC redonnerait une direction à une Europe en perte de vitesse.
Quelles sont les principales faiblesses de l’agriculture française ?
En 2003, la politique agricole européenne a profondément modifié la situation des agriculteurs, avec la fin de la gestion des marchés, de l’intervention de la puissance publique sur ces marchés et également la fin du découplage des aides, sans s’occuper des productions.
Alors que d’autres pays ont mis en place de véritables stratégies de filières, la France n’a pas changé, comme il aurait fallu le faire, ses modalités d’action. La réforme, libérale, de 2003 supposait que l’on implique dans cette dynamique l’ensemble des opérateurs concernés. A commencer par les producteurs, afin qu’ils soient en mesure de mieux appréhender la réalité du marché. Lorsque c’est le marché qui rémunère, on ne peut pas attendre de garantie a priori.
Il aurait fallu que les producteurs deviennent vraiment des acteurs, qu’ils maîtrisent mieux les logiques économiques, les conséquences de leurs choix de production en fonction du marché et la rémunération qu’ils pouvaient en attendre. Plus de dix ans après, on n’a toujours pas tiré les conséquences de cette situation.
Quel rôle peut jouer la prochaine PAC ?
Il faut avant tout constater que la très grande majorité des pays de l’Union européenne souhaite la conserver, ce qui est déjà un point positif. Mais en réalité, les politiques agricoles de chaque pays membre n’ont pas grand-chose en commun.
Il faudrait que la PAC puisse donner plus qu’une simple orientation.
La manière de mettre en œuvre la PAC varie d’un pays à l’autre. Il suffit de voir le dossier des OGM. On y constate une inégalité entre les producteurs des différents pays, avec des distorsions de concurrence.
Il faudrait que la PAC puisse donner plus qu’une simple orientation et qu’elle définisse un code de conduite en obligeant chaque pays à rentrer dans ce cadre. Elle serait un exemple qui pourrait redonner du sens à une Europe bien mal en point. N’oublions pas qu’à la suite du traité de Rome, la politique agricole commune a largement contribué à fonder la CEE. A travers des règles communes plus exigeantes dans un secteur où la circulation des biens reste fondamentale, elle pourrait très bien jouer aujourd’hui le même rôle.
Que pensez-vous de la remise en cause de l’agriculture intensive en faveur de systèmes plus qualitatifs ?
C’est un faux débat. Tout d’abord les systèmes de production intensifs obéissent à des normes strictes et sont eux aussi de bonne qualité. Mais là encore, il faut savoir à quel marché on s’adresse. Si l’on s’adresse à la grande exportation, en restant concurrentiel, il est nécessaire d’avoir un système adapté en termes de prix et de quantité.
Il faut être clair, les signes de qualité et labels – IGP, AOC, AB, pour le bio – ont un coût et un prix, et répondent à d’autres marchés. Il n’y a pas d’opposition mais une nécessaire cohabitation sur des marchés différents. Et les politiques de soutien à chaque système doivent tenir compte de cette réalité.
Propos recueillis par Jean-Marie Constans
Issu de la Société des agriculteurs de France,le think tank Saf agr’iDées travaille sur le fonctionnement et le développement des différents secteurs agricoles.