L’agriculture française bouleversée par les évolutions économiques, techniques et sociétales
Baisse conséquente du nombre d’exploitations, perte de revenus, recul de sa part relative dans l’économie nationale… confronté à des difficultés récurrentes, le monde agricole est aujourd’hui en mutation.
Lorsque Henri Mendras a publié en 1967 « La Fin des paysans », il n’envisageait pas la disparition au sens démographique d’une population qui représentait depuis des siècles le substrat de la société française.
Le sociologue, spécialiste de la ruralité, évoquait l’effacement d’un modèle économique et social traditionnel au profit d’un système productiviste soumis aux impératifs du marché, en s’appuyant sur les effets de l’introduction de maïs hybride américain dans un village du Sud-Ouest.
Une réalité complexe et polymorphe.
Cinquante ans après, l’analyse prospective d’Henri Mendras est largement vérifiée.
Intensification, productivité, économie de marché se sont bel et bien imposées au monde agricole. Mais sa population a aussi fortement décliné : au milieu des années 1950, on comptait en France 6,3 millions d’agriculteurs, soit 25% de la population active. Ils en représentent aujourd’hui moins de 3,5%, avec à peine plus de 465 000 chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
Dans le même temps, les surfaces agricoles ont enregistré une réduction de plus de 16%, alors que le prix des terres a pratiquement doublé en vingt-cinq ans. Et la part de l’agriculture dans l’économie nationale se réduit comme peau de chagrin, passant de 3,6% du PIB en 1980 à 1,5% en 2015*.
Une évolution souvent décrite comme symptomatique de la situation de crise actuelle de l’agriculture française.
Des modèles complémentaires
Une crise qui se décline à travers un ensemble de facteurs à l’origine des difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs : fluctuation du prix des productions avec une tendance récurrente à la baisse des cours ; réduction des subventions, accentuée par la nouvelle réforme de la PAC ; accumulation de normes ; difficultés des filières tournées vers l’exportation ; crises sanitaires à répétition…
Autant d’éléments qui impactent le revenu des exploitants, dont un grand nombre vivent très largement en dessous du seuil de pauvreté. Avec des conséquences trop souvent dramatiques.
Mis en place par la MSA (Mutualité sociale agricole) dans le cadre d’un plan de prévention du suicide, le dispositif Agri’écoute a reçu 285 appels par mois en moyenne en 2016, contre 100 en 2015.
Aussi sombre qu’il soit, ce tableau ne peut pourtant décrire dans son ensemble une réalité complexe et polymorphe.
Confrontée à des évolutions technologiques, économiques, sociétales, l’agriculture, dans une large mesure, est aujourd’hui en mutation. Nouvelles pratiques culturales, problématiques environnementales, nouveaux modes de gestion et d’organisation du travail, développement du numérique, diversification des activités et des circuits de distribution, le monde agricole est aussi riche de perspectives. Et le propos d’Henri Mendras se trouve paradoxalement confronté à la résurgence revendiquée d’une agriculture paysanne.
Un modèle que l’on ne saurait trop rapidement opposer à celui porté par les agromanagers, à savoir la nécessaire adaptation à la réalité d’un monde globalisé. Car c’est bien dans leur complémentarité, en fonction des situations locales, économiques, spécifiques, que s’écriront les scénarios adaptés à la diversité des besoins et de la demande des consommateurs.
Jean-Marie Constans
*Données du service de la statistique et de la prospective, ministère de l’Agriculture.
Commerce extérieur agroalimentaire
– 282 millions d’euros d’excédent des échanges en janvier 2017, soit une baisse de 186 millions d’euros.
– 148 millions d’euros (+3%) de croissance du montant des exportations, contre 334 millions d’euros (+8%) de croissance pour les importations.
– 78 millions d’euros de croissance pour le montant des exportations vers les pays de l’UE, contre 201 millions d’euros de croissance pour les importations.
– Pour les pays tiers, la croissance du montant des exportations s’élève à 70 millions, alors que celle du montant des importations est de 133 millions.
Source : Agreste (janvier 2016 – janvier 2017).