« Il faudrait davantage de transparence sur la façon dont les prix sont fixés » – interview du Professeur Patrice Viens, président d’Unicancer
Les avancées de la recherche suscitent de grands espoirs. Mais l’envolée des prix des nouveaux médicaments inquiète les professionnels, qui craignent que les patients ne puissent plus y avoir accès.
L’an dernier, 110 oncologues français se sont alarmés du prix trop élevé des nouveaux traitements…
En tant que professionnels, nous constatons que les nouveaux médicaments mis sur le marché sont très chers. Ils coûtent sept à dix fois plus que ceux qui les ont précédés.
Le scandale du Glivec aux Etats-Unis a été un élément déclencheur du débat sur ce phénomène de renchérissement des traitements. Ce produit, qui permet de très longues rémissions pour les patients atteints de leucémie myéloïde chronique, est commercialisé depuis longtemps et est donc amorti. Pourtant, son prix augmente !.
Comment mieux maîtriser les prix ?
Il faudrait davantage de transparence sur la manière dont les industriels fixent leurs prix.
Ils sont, bien entendu, en partie justifiés par des éléments objectifs, comme les dépenses de recherche et développement. Mais il semblerait aussi que les prix tendent à augmenter quand la demande est forte.
Et il se trouve que les médecins et les patients sont très demandeurs de ces nouveaux médicaments innovants.
Le rapport de force avec les laboratoires pharmaceutiques ne deviendra plus favorable que si les patients s’en mêlent. C’est donc une très bonne chose que l’appel passé, l’an dernier, par 110 cancérologues ait été repris par différentes associations comme la Ligue contre le cancer, qui représente les malades.
Y a-t-il un risque que ces traitements, trop onéreux, ne soient plus remboursés ?
Aujourd’hui, tous les médicaments classés de un à trois en termes d’amélioration du service médical rendu (ASMR) sont couverts par l’Assurance maladie.
Il n’est pas question de le remettre en cause. Il peut, certes, y avoir certains débats d’experts autour des critères de classification, mais la ministre de la Santé a bien tenu son engagement de garantir à tous les patients l’accès aux soins les plus innovants.
Les nouveaux médicaments coûtent sept à dix fois plus chers que les anciens.
Néanmoins, nous devons rester vigilants. Certains médicaments innovants, et donc chers, sont remboursés à l’hôpital par la Sécurité sociale en plus du prix du séjour lui-même ; ce sont ceux qui figurent sur ce qu’on appelle « la liste en sus ».
Le risque est de voir un certain nombre de ces médicaments sortir de cette liste, notamment parce que le bénéfice apporté au patient est jugé insuffisant.
L’hôpital, qui serait alors moins bien remboursé, n’aurait plus les moyens d’assumer leur administration.
Plus généralement, il faut se demander jusqu’à quel point notre système de santé sera en mesure d’absorber le coût élevé des traitements. Cela restera soutenable s’ils sont destinés à soigner des maladies rares, car le nombre de cas dans lesquels on y aura recours sera limité. Mais cela deviendra plus problématique s’ils permettent de guérir des maladies chroniques, traitées pendant plusieurs années, ou s’ils sont utilisés à grande échelle pour traiter des maladies courantes comme le cancer du poumon.
La question de la cherté de ces traitements dépasse nos frontières…
Nous devons, bien sûr, nous assurer que les patients français reçoivent bien l’ensemble des traitements nécessaires. Mais nous avons aussi une responsabilité collective, envers les pays en développement et envers ceux dont le système de santé n’est pas aussi protecteur que le nôtre.
Propos recueillis par Marianne Di Meo