« S’attaquer aux actes inutiles, c’est questionner la liberté de prescription » – interview de Frédéric Valletoux, président de la FHF
Comment expliquez-vous les écarts régionaux pour une même opération, selon l’Atlas des variations des pratiques médicales ?
Plusieurs facteurs expliquent ces écarts. Tout d’abord, les médecins ont parfois du mal à remettre en cause leurs pratiques, à prendre le temps de modifier leurs habitudes et à tenir compte des avancées médicales et technologiques. D’autant que la diffusion des bonnes pratiques par la Haute Autorité de santé est relativement récente.
Certaines différences doivent susciter des interrogations.
Par exemple, il y a trois ans, nous avions constaté que 90 millions de radiographies du cerveau étaient encore remboursées. Or, à l’heure actuelle, c’est le scanner qui est indiqué pour le cerveau !
La démographie médicale a aussi une influence sur l’augmentation de certains actes. Ainsi, dans une région comme la Côte-d’Azur, largement pourvue en cardiologues, les poses de stents sont plus fréquentes que dans d’autres régions, moins bien dotées en spécialistes du cœur.
Enfin, le mode de tarification à l’acte des établissements peut conduire à pousser certains gestes plus rémunérateurs, comme les césariennes au lieu de l’accouchement classique.
Quelles sont les solutions pour éviter les excès ?
S’attaquer aux actes inutiles, c’est questionner la liberté de prescription, ce qui n’est pas toujours bien accepté par les médecins.
Rendre publiques et accessibles les données, permettrait aux patients d’interpeller les médecins. Si les patients sont informés et peuvent, en connaissance de cause, réclamer des explications aux praticiens et aux établissements, les pratiques vont évoluer.
Parallèlement, les écarts trop importants ou inexplicables devraient déclencher des contrôles de l’Assurance maladie.
Lorsqu’on regarde l’Atlas, certaines différences doivent susciter des interrogations. Pourquoi, pratique-t-on trois fois plus d’ablations des amygdales dans la Creuse qu’en Gironde ?
Lorsque les écarts sont trop importants ou inexplicables, l’Assurance maladie devrait aller voir de plus près ce qui se passe. Et, bien sûr, une réforme de la tarification s’impose.
Est-ce que ces mesures permettraient des économies ?
Un rapport récent de l’OCDE a estimé à 20% le volume des actes inutiles ou redondants dans tout le système de santé, et pas seulement à l’hôpital.
C’est un gisement d’économies potentielles de 36 milliards d’euros qui pourraient être, au moins pour partie, réinjectées pour améliorer le système de santé.
Pour la FHF, la pertinence des soins est un véritable enjeu et nous allons lancer des travaux sur l’angioplastie coronaire, le cancer de la prostate et l’échographie.
Propos recueillis par Anne Prigent
Un Atlas recense les variations de pratiques médicales
A problèmes de santé identiques, les Français sont soignés de manière très différente selon leur lieu de résidence. C’est ce que vient souligner ce premier Atlas publié, en novembre 2016, par le ministère de la Santé.
Il met en exergue les variations de pratiques, département par département, pour les dix interventions chirurgicales les plus courantes.
Les taux les plus élevés de recours à la chirurgie sont ainsi observés dans l’Yonne, la Haute-Marne et la Meuse (plus de 350 séjours hospitaliers pour 100 000 habitants), les taux les plus faibles à La Réunion, dans les Hauts-de-Seine, à Paris et en Guadeloupe (moins de 120 pour 100 000 habitants).
Anne Prigent