L’hôpital doit soigner plus et mieux… avec moins de moyens
Augmentation du nombre de malades et des dépenses de soins, progrès technologiques, lutte contre les gaspillages… le système de santé français, reconnu pour sa qualité, devra évoluer pour faire face à ces nouveaux enjeux.
Près de 20% des dépenses de santé des 35 pays membres de l’OCDE sont « au mieux efficaces, au pire ne servent à rien », estime l’organisation dans un rapport publié fin 2016.
Les sources de gaspillage recensées sont multiples. Ainsi, entre 12 et 56% des visites aux urgences ne seraient pas nécessaires.
Le système français n’échappe pas à cette tendance. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes chiffre à 10,6 millions le nombre de Français qui se sont rendus aux urgences en 2012. Lorsqu’on sait qu’un simple passage aux urgences coûte en moyenne 161,50 euros, contre 23 euros chez un généraliste, la note est lourde pour les établissements publics.
Toujours selon l’OCDE, un enfant sur trois naît par césarienne, alors que ce type d’accouchement se justifie seulement dans 15% des cas. Même si avec 18,7% en 2014, la France se situe derrière des pays comme l’Allemagne ou encore l’Italie (plus de 30 % des naissances), ce taux cache de grandes disparités territoriales. Il grimpe à 24,7% dans les Alpes-de-Haute-Provence, en Lozère, Haute-Corse et Guyane indique l’Atlas des variations de pratiques médicales 2016, du ministère de la Santé.
Comment expliquer de tels écarts ? Aurait-on le bistouri plus facile qu’en Guadeloupe où l’on y recourt deux fois moins souvent (12,9 %) ?
Désormais, les données existent. Elles permettront d’analyser ces différences avec toutes les parties prenantes dans une démarche d’amélioration de la qualité des soins, mais aussi d’égalité et d’efficience.
Avec l’innovation, la quantité de malades va augmenter
En 2014, selon une enquête de l’Insee, la dépense courante de santé en France était de 12% de sa richesse nationale. Ces résultats la placent au troisième rang des pays de l’OCDE après les Etats-Unis (16,9%), mais à un niveau comparable à celui des Pays-Bas : (11,8%), de la Suisse : (11,4%) et de Allemagne (11,3%).
« Si l’on fait des projections à vingt ou trente ans, il apparaît que les dépenses de santé constitueront, de très loin, la part la plus grande des dépenses publiques », selon l’économiste Nicolas Bouzou. Une gageure à l’heure où les ressources et les moyens dont disposent les hôpitaux peinent à répondre à la demande croissante de soins résultant du vieillissement de la population et de la désertification médicale.
D’où la saturation de nombreux services d’urgences, dont certains sont au bord de l’implosion. Certes, l’allongement de la vie joue un rôle dans l’augmentation des coûts.
Dans vingt ans, les dépenses de santé constitueront la plus importante part de la dépense publique.
Mais pas seulement. Il faut aussi compter avec le progrès médical et la diffusion des innovations. L’arrivée des stents, sorte de ressorts qui évitent aux veines de se boucher, permet, aujourd’hui, à des patients de survivre à des accidents cardiovasculaires, autrefois fatals.
Autres exemples : le traitement des cancers dont les thérapies ciblées coûtent « plusieurs millions d’euros par mois. Le succès des traitements de la leucémie est tel, qu’un adolescent malade peut espérer dorénavant vivre jusqu’à 85 ans, poursuit l’économiste.
Le stock de malades augmente donc en permanence ».
Autre facteur d’inflation, les maladies chroniques ou liées à notre mode de vie comme le diabète, la thyroïde ou encore l’obésité.
Si l’on veut limiter les coûts, faut-il revoir la tarification à l’activité (la T2A) dont les grilles de remboursement ne tiennent pas toujours compte des innovations ? Ainsi, comme le remarque Nicolas Bouzou, une chimiothérapie sous perfusion qui nécessite une hospitalisation est plus intéressante que les nouveaux traitements par voie orale qui n’exigent pas de séjourner à l’hôpital.
Pour ne pas imploser, notre système de santé, auquel les Français sont si attachés, devra conjuguer efficience et performance.
Marianne Di Meo
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Il devra ainsi réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies, notamment en optimisant ses dépenses (845 millions) et grâce à l’ambulatoire (640 millions).