Les élus inquiets sur le sort des hôpitaux de proximité
Avec la création des groupements hospitaliers de territoire, le paysage sanitaire sera redessiné. Cette logique de concentration des moyens, qui menace les hôpitaux locaux, risque d’accentuer le phénomène de déserts médicaux.
Les élus locaux ont-ils raison de s’inquiéter de la mise en place des groupements hospitaliers de territoires (GHT) ?
La loi Santé du 26 janvier 2016 les a rendus obligatoires dès le 1er juillet suivant. En pratique, il s’agit de fédérer plusieurs hôpitaux autour d’un établissement support, en général, le plus important d’entre eux. Au total, 135 GHT ont vu le jour, regroupant environ un millier de structures publiques de santé.
Officiellement, l’objectif est de garantir l’égalité des Français devant l’accès à des soins de qualité. L’idée est de concentrer les matériels et les effectifs autour de pôles d’expertise et en obligeant les établissements de soins d’un même territoire à coopérer entre eux.
Le projet prévoit la mutualisation de certains équipements, voire de fonctions administratives, techniques et logistiques.
Les GHT se voient confier des fonctions comme les politiques d’achat, la coordination des plans de formation continue.
Les élus locaux, les syndicats de personnels hospitaliers et les usagers redoutent que cela se traduise par la fermeture de services (urgences, gériatrie, maternité), voire d’hôpitaux locaux tout entiers, et accentue ainsi les inégalités territoriales dans l’accès aux services de santé.
Les élus locaux écartés du processus décisionnel
Jean-Michel Budet, ancien directeur général adjoint de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) reconnaît qu’« il y a un risque réel que les moyens soient concentrés dans les établissements supports et non pas répartis sur un territoire donné, mais cela peut toutefois être réglé si l’on incite financièrement les praticiens à se déplacer dans les différents établissements membres du GHT et si l’on adapte la tarification à l’activité à cette nouvelle donne ; il faudrait aussi évaluer en continu les effets de la réforme sur la prise en charge des malades ; enfin, la gouvernance de ces groupements doit être plus équilibrée ».
Un millier de structures publiques regroupées dans les 135 GHT.
Force est de constater que, sur ces derniers points, les élus locaux ont été marginalisés. N’étant pas représentés au sein des comités stratégiques, ils ne sont pas du tout associés, en amont, aux décisions de gestion et de gouvernance.
En outre, les comités territoriaux des élus locaux n’ont qu’une simple mission de contrôle a posteriori des mesures mises en œuvre par le GHT et ne peuvent émettre que des propositions.
Une reconversion à marche forcée
Difficile, dans ces conditions, de peser dans la balance et de défendre les structures de soins locales.
Pour continuer à jouer un rôle dans l’offre sanitaire au niveau local, les hôpitaux de proximité vont donc devoir réfléchir à leur « reconversion ».
Parmi les pistes évoquées, la possibilité de coopérer avec des Ephad*, une démarche engagée à Uzès, dans le Gard, et à Lamballe, dans les Côtes-d’Armor.
Une autre possibilité consisterait à leur adosser des maisons de santé pluriprofessionnelles, comme c’est le cas à Breil-sur-Roya, en région Paca, ou à Craon, dans le département de la Mayenne. Ces établissements permettent de regrouper plusieurs professionnels de santé dans des locaux communs, au minimum deux médecins généralistes et un infirmier.
Cependant, on peut aussi y trouver des pharmaciens, des dentistes, des masseurs-kinésithérapeutes, etc.
Ce type de structure, très largement soutenu par les élus qui cherchent à endiguer la désertification médicale, connaît un très fort développement. On en recense actuellement un peu plus d’un millier sur l’ensemble du territoire, financées par les collectivités..
Marianne Di Meo
* Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes