« Je suis le seul parlementaire à avoir demandé et reçu la certification RSE »
L’incivisme n’est pas l’apanage des citoyens. Face à l’individualisme du travail parlementaire, Henri Cabanel, viticulteur et sénateur élu en 2014, donne des pistes de réforme.
Pourquoi avoir mis en place cette mission d’information ?
La défiance du citoyen vis-à-vis du politique va croissante. Nous assistons à une multiplication des situations de blocage, comme pour les projets de Sivens et de Notre-Dame-des-Landes. En outre, les élections, notamment locales et européennes, sont désertées. Or je crois que les Français sont naturellement intéressés par la chose publique, mais ils ne trouvent plus dans la politique le moyen de satisfaire cet intérêt. Les parlementaires sont bien trop éloignés des électeurs. En cette année électorale, l’objectif de la mission d’information est de proposer des moyens de nous rapprocher de nos concitoyens. Par exemple, en maîtrisant mieux les réseaux sociaux, qui sont un formidable moyen de communiquer. L’esprit doit également changer : trop individualiste et déconnecté de la réalité, le travail parlementaire sert plus les carrières des élus que l’intérêt général. On en arrive à des projets de loi « enrichis » de centaines d’amendements par des élus soucieux d’y apposer leur nom. Ce qui complexifie nombre de textes de loi.
Comment réintroduire l’intérêt général dans le travail parlementaire ?
Afin d’enrayer cette inflation législative, nous devrions établir, avant que les textes ne passent au Parlement, un diagnostic partagé et définir les enjeux. La Commission européenne l’a d’ailleurs imposé comme préalable à la production d’un règlement. Elle est ainsi passée de 150 à 50 règlements par an. Notre rôle d’élus est également d’informer dans notre circonscription les acteurs économiques et politiques concernés par le texte de loi en discussion. Mais ce travail demande du temps ! C’est pourquoi la fin du cumul des mandats est une bonne nouvelle. Une reconduction limitée à deux mandats permettrait aussi un renouvellement de la classe politique et une meilleure représentation de la population. Au Sénat, on compte encore trop peu d’ouvriers, d’entrepreneurs et de professions libérales, alors que les fonctionnaires sont majoritaires !
Comment obtenir une meilleure représentativité ?
Il faudrait réfléchir à l’instauration d’un statut d’élu, mais aussi approfondir la formation des candidats. Pourquoi ne pas recourir également à un tirage au sort des élus ? Certes l’exercice du pouvoir nécessite des compétences, mais il réclame également des personnes aux parcours différents, béotiens en politique. Arrêtons la professionnalisation de la politique ! Les assistants parlementaires sont là pour nous seconder dans les domaines techniques, comme la rédaction d’un amendement. Il est également nécessaire de garder sa liberté vis-à-vis de son parti, tant il demeure primordial de rester d’abord fidèle aux promesses faites aux citoyens. La transparence est aussi centrale pour retrouver leur confiance. Je suis, pour ma part, le premier parlementaire, et le seul pour l’instant, à avoir demandé et reçu la certification RSE ISO 26 000, habituellement réservée aux entreprises, par un organisme évaluateur, en novembre 2016. Les fiches de poste de mes assistants ont été passées au crible et les acteurs économiques et politiques de ma circonscription entendus. Nous sommes encore trop peu nombreux à nous emparer de ces questions urgentes. Le système actuel nous est tellement profitable !
Propos recueillis par Félicité de Maupeou
*« Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 » (conclusions en mai 2017).