« L’incivisme est un bras d’honneur à la société »
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire de l’incivisme le cœur de votre mandat municipal depuis 2014 ?
Veiller à la qualité de vie est l’une des ardentes obligations d’un maire. L’entretien de l’espace public est essentiel pour les habitants, mais également pour l’attractivité économique de la ville. Nous défendons aussi le contribuable car l’incivisme coûte cher : 200 000 euros par an pour les déchets laissés sur les carreaux des marchés, 200 000 euros pour les déjections canines, ou encore 50 000 euros pour les déchets jetés au sol et finissant à la mer ! Cette politique est enfin le moyen de défendre la vie ensemble. Car l’incivisme est un bras d’honneur à la société, un abandon des autres et de soi, qui traduit, au mieux, de la paresse, au pire, un égoïsme social.
Jusqu’où aller dans l’encadrement des comportements ?
Les jets de déchets, l’urine, les bruits inutiles… sont des manifestations de l’incivisme.
Information, éducation, répression : il faut agir tous azimuts.
Ces incivilités sont contenues dans le code pénal, je ne suis donc pas dans une posture morale, j’applique la loi. Par l’éducation, nous allons également au-delà, avec des ateliers apprenant, par exemple, aux enfants à laisser leur place à une femme enceinte dans les transports en commun. Certains pointent un risque de judiciarisation. Il y a en effet un risque de multiplier les règles à partir de chaque comportement déviant, sous le coup de l’émotion. Mais nous sommes ici au cœur de l’action municipale : nous menons une politique dans les limites de l’espace public et du code pénal, contre des comportements qui détruisent la vie en société. Je me suis également posé la question du risque de créer une société aseptisée, en sanctionnant, par exemple, d’une amende le jet de mégots. Mais j’ai réalisé que ces gestes inciviques coûtent très cher à la collectivité.
Comment combattre ce phénomène ?
L’objectif est de changer les comportements, il faut donc agir tous azimuts : information, éducation, répression, afin de faire prendre conscience de la déviance. Mais c’est un long travail d’éducation, qui s’engage sur plusieurs générations, pour remettre les fondamentaux de notre savoir-vivre au cœur du pacte républicain. Quant au coût, notre politique rapporte plus au contribuable qu’elle ne lui coûte ! Non pas grâce aux PV, qui reviennent presque tous à l’Etat, mais grâce à l’amélioration de la situation. Les peines d’intérêt général passées de 8 en moyenne en 2014 à 69 en 2016 – diminuent aussi les frais de réparations.
De quoi l’incivisme est-il le symptôme ?
L’instantanéité de l’époque et la vision selon laquelle l’espace public est un bien de consommation affaiblissent l’intérêt général. Nous nous définissons de plus en plus comme des détenteurs de droits, alors que nous sommes coresponsables de l’espace public et de la société dans laquelle nous vivons. Il est urgent de réincarner le bien commun et le collectif. Plus profondément, le civisme contribue à créer un sentiment d’appartenance, quand l’incivisme crée des confrontations et des violences. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », disait Rousseau : le rôle de la puissance publique est d’édicter la norme et de la faire respecter, mais aussi de sensibiliser à cette norme et de rappeler sa légitimité. Je voudrais passer de la lutte contre l’incivisme au renouveau civique, pour recréer un sentiment d’appartenance à une société. C’est l’un des facteurs du rebond de la France.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou