Dans les territoires, l’Etat tente de répondre à la demande d’engagement des citoyens
Face à la défiance généralisée envers les corps intermédiaires, l'Etat est de moins en moins considéré comme le garant de l'intérêt général. Les associations deviennent des lieux de référence pour l'engagement citoyen. Au point de créer une concurrence.
Seize millions de Français sont bénévoles. Un chiffre qui pourrait encore grimper puisqu’ils sont 58% à souhaiter s’impliquer davantage pour l’intérêt général*.
Cette exigence passe surtout par l’engagement dans les multiples associations que compte le pays. Seul corps intermédiaire échappant au discrédit, elles font partie de ce maillage de « faizeux », comme les appelle l’écrivain Alexandre Jardin. Ce militant les met en réseau dans son mouvement Bleu Blanc Zèbre afin de « réparer le pays » dans les domaines de l’éducation, la culture ou encore l’intégration.
Un travail à l’échelle des territoires et qui veut se passer du politique. Pourtant, décision inattendue, Alexandre Jardin, ce chantre du rejet de la puissance publique, a présenté sa candidature à l’élection présidentielle.
Signe que le politique reste le passage obligé pour servir l’intérêt général ?
L’intérêt général ne peut se passer du politique
« Les associations citoyennes servent des causes et des objectifs particuliers, rappelle en effet le philosophe et historien Marcel Gauchet. Le politique est le seul lieu où l’on met ensemble les intérêts particuliers pour définir l’intérêt général. Il est le seul à même de penser pour le pays entier et dans le temps long. »
Et c’est justement « maintenant que ces logiques particulières montent en puissance, que nous avons encore plus besoin d’un politique fort », insiste l’intellectuel.
D’autant plus que la plupart de ces initiatives associatives, qui mettent en avant leur proximité avec les citoyens, « n’en sont pas si proches, tant elles sont tenues par une minorité de personnes très militantes », prévient le sénateur Henri Cabanel, président de la mission d’information du Sénat sur la démocratie.
Les Français en sont conscients : 64% d’entre eux pensent que le souci de l’intérêt général est d’abord du ressort du politique, alors que seulement 19% donnent ce rôle à la société civile (citoyens, associations, syndicats)*.
L’Etat veut reprendre la main
Que propose l’Etat dans les territoires pour combler l’envie d’engagement des citoyens ? « Nous avons laissé un vide après la suppression du service militaire en 1996 », reconnaît Yannick Blanc, haut-commissaire à l’engagement civique.
Aujourd’hui, la puissance publique tente de reprendre la main, notamment grâce à la réserve citoyenne, créée par la loi Egalité et Citoyenneté. Cette réserve constituera, dans chaque département, « un vivier de bénévoles chargés de missions ponctuelles à caractère civique » (lire ci-contre).
Des initiatives tenues par une minorité de personnes très militantes.
De quoi rendre méfiantes, au départ, les associations qui craignaient une concurrence, voire une ingérence, avec ce nouveau dispositif.
Mais face à la puissance du réseau associatif, l’Etat a bien du mal à peser. Ainsi 73% des services civiques sont toujours effectués dans des associations malgré un effort pour les orienter vers le secteur public.
« Nous mobilisons les collectivités locales et il y a encore de grands potentiels dans le monde médico-social ou le secteur HLM, par exemple », avance Yannick Blanc. Tout reste à faire.
Félicité de Maupeou
*Etude Viavoice-Klesia (février 2016)