Une société hétérogène en manque de repères – Interview croisée de Georges Mothron (maire LR d’Argenteuil) et de Stéphane Gatignon (maire LPE de Sevran)
Le civisme est le respect des règles de vie en commun, mais au sens plus large, il peut être considéré comme le partage des habitus et des mœurs de la communauté nationale. Un défi dans une société de plus en plus complexe et hétérogène. Eclairages.
Y a-t-il un lien entre le cosmopolitisme de notre société et l’affaiblissement du civisme ?
Georges Mothron : Aujourd’hui, à Argenteuil, le communautarisme est une menace pour le civisme : dans le parc social par exemple, certains endroits sont régis par des règles de vie en société exclusivement communautaires.
Nous avons tous participé à cette ségrégation en logeant au même endroit les membres d’une seule communauté. Nous en subissons les conséquences aujourd’hui.
L’immigration est un véritable enjeu : certaines personnes arrivent dans nos villes sans aucune notion des règles à suivre dans l’espace public, comme la propreté.
Mais, globalement, le vivre-ensemble fonctionne plutôt bien à Argenteuil, grâce à la richesse de notre tissu associatif.
Stéphane Gatignon : La question de fond est la régulation d’un monde nouveau, plus urbain et plus cosmopolite. Il nous faut accepter le cosmopolitisme de nos territoires, le connaître et le comprendre pour fixer ensuite des règles de vie commune adaptées à cette nouvelle donne.
Les normes diffèrent selon les cultures : les personnes asiatiques ont, par exemple, l’habitude de cracher par terre. Les Maghrébins, héritiers d’une société traditionnelle machiste, peuvent remettre en cause la mixité dans certains lieux. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les femmes issues de la culture maghrébine sont absentes de l’espace public. Loin de là ! Beaucoup s’investissent dans la vie associative.
L’immigration d’Afrique subsaharienne est un autre exemple : dans cette culture, les enfants ne sont pas élevés par leurs parents exclusivement, mais par tout le village. Or ici, le village c’est nous ! De jeunes enfants restent donc souvent tard dans la rue.
Comment arrive-t-on à structurer la société avec cette nouvelle donne ? Comment refaire société ? Ce n’est pas simple !
Que peut faire un élu local ?
Georges Mothron : Face au communautarisme, il subit ! Gestionnaire du plus gros contingent du parc social, l’Etat donne le mauvais exemple en n’exerçant aucun contrôle sur la répartition des populations.
A l’échelle locale, l’édile doit veiller au respect de l’autorité républicaine et laïque. Lorsque j’ai été élu maire en 2014, on ne parlait pas français dans les couloirs de l’hôtel de ville, certains refusaient de serrer la main des femmes, on s’appelait « mon frère », « ma sœur ». J’ai mis fin à ces comportements qui ne correspondent pas à nos règles de vie commune.
En même temps, j’ai constitué une équipe municipale avec un mixité culturelle la plus représentative possible de la population d’Argenteuil.
Stéphane Gatignon : Dans notre société de plus en plus complexe, certains ne veulent plus vivre avec les populations immigrées. Il y a un désir d’autorité car c’est le bordel !
Mais la répression ne marche pas et, de toute façon, nous n’avons pas les moyens de sanctionner. Nous manquons déjà de policiers. Bien sûr, nous infligeons des amendes pour lutter contre le stationnement anarchique, mais surtout, nous rappelons inlassablement les règles.
Lors du ramadan, par exemple, nous essayons d’imposer une fermeture des bars à minuit ou une heure du matin.
Mais les élus sont bien seuls. L’Etat adopte une stratégie d’évitement sur ces sujets. Il ne veut pas comprendre ce que deviennent ses territoires. « Comment aider les gens à faire société ? », est une question absente des débats politiques.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou