Le lourd coût du vandalisme et de la fraude
Pour les collectivités, comme pour l’Etat ou les entreprises privées, les incivilités
ont un coût important. Plus globalement, la perte du sentiment d’appartenance à une même société réduirait notre capacité d’innovation.
Les incivilités ont coûté à la seule ville de Paris 80 millions d’euros en 2014 ! Dans les espaces verts et sur la voie publique, la mairie finance des postes d’agents d’entretien et de surveillance. Elle répare aussi les Vélib’ (en partie), l’éclairage public et le mobilier urbain pour 15 millions d’euros. Sans compter les 17,7 millions d’euros d’évacuation des encombrants et de nettoyage des trottoirs souillés par l’urine.
Autant de dépenses qui ne sont pas dirigées vers l’éducation ou la culture, et qui pèsent sur des budgets déjà contraints.
Les incivilités, un enjeu économique
L’Union sociale pour l’habitat, l’organisation représentative du secteur HLM, déplore aussi près de 22 millions d’euros de réparations après des actes de vandalisme (2013).
De son côté, la SNCF perd 35 millions d’euros par an pour remettre les rames en bon état ou rembourser les billets lorsque le trafic est perturbé à cause d’un acte malveillant. A cela s’ajoute le manque à gagner lors des arrêts de travail de ses agents après une agression.
En février 2016, la Cour des comptes s’est alarmée du coût de la fraude dans les transports collectifs franciliens : en 2013, les pertes dues à cette forme d’incivisme s’élevaient à 191 millions pour la RATP et 57 millions pour la SNCF, soit, respectivement, près de 8% et 5% des recettes directes des deux transporteurs. Des sommes qui représentent 14 rames de deux étages pour la RATP, et 6 rames du réseau Transilien pour la SNCF.
Les politiques de lutte contre la fraude – postes d’agents de contrôle ou équipements anti-fraude – pèsent aussi dans la balance : 86 millions d’euros pour la RATP et 67 millions pour le réseau SNCF Transilien en 2013.
Quelques dizaines de condamnations pour 5 000 à 6 000 tags annuels.
A plus long terme, les incivilités font également courir le risque d’une baisse de la fréquentation des usagers et d’une démobilisation des équipes.
Et si ces coûts étaient équilibrés par des recettes ? A Vence (Alpes-Maritimes) par exemple, déposer un canapé sur la voie publique est sanctionné par une amende de 1 500 euros, et jeter une canette peut coûter jusqu’à 450 euros.
Partout en France, un tag ou un graffiti est théoriquement puni de 3 750 euros d’amende et d’un travail d’intérêt général lorsque les dégâts sont superficiels. Un moyen de renflouer un peu les caisses de la SNCF, pour qui la remise en état des rames taguées représente près de 30 millions d’euros par an ? Loin de là, puisque les condamnations sont rares. Quelques dizaines seulement pour une moyenne de 5 000 à 6 000 tags annuels.
Une entrave à la capacité d’innovation
Dans leur ouvrage « La société de défiance »*, les économistes du CEPREMAP, Yann Algan et Pierre Cahuc, constatent qu’« en France, la défiance et l’incivisme sont plus prononcés que dans la plupart des pays riches ». Or ils réduisent « l’efficacité de fonctionnement de l’ensemble des acteurs de l’économie, [agissant] en ce sens comme une véritable taxe sociale sur l’activité économique ».
Les deux auteurs calculent ainsi que si les Français avaient la même confiance en la société que les Suédois, le taux de chômage baisserait de 3 points !
Félicité de Maupeou
* « La société de défiance. Comment le modèle social français s’autodétruit ». Editions Rue d’Ulm, collection du CEPREMAP (Centre pour la recherche économique et ses applications), 2007.