QUESTIONS À… Sylvie Benkemoun
Psychologue clinicienne, vice-présidente du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros)
L’obésité a-t-elle des causes psychologiques ?
Oui, bien sûr ! De nombreuses personnes obèses subissent des troubles du comportement alimentaire. Ces désordres psychologiques sont souvent invoqués pour expliquer l’anorexie ou la boulimie, mais encore très peu concernant l’obésité. Utiliser l’alimentation comme pansement est bien souvent une réponse à un traumatisme profond, situé dans l’enfance. Une autre cause psychologique est le culte de plus en plus prégnant de la minceur, considérée aujourd’hui comme un signe de contrôle, presque une compétence ! Cette valorisation crée une envie de maigrir chez les personnes girondes, et incite aux régimes. Or la frustration encourage les compulsions alimentaires chez certains, et pousse ainsi vers l’obésité. Malheureusement, ces explications psychologiques sont souvent occultées. Résultat, on envoie plus facilement une personne obèse consulter un nutritionniste qu’un psychologue.
Comment la psychologie peut-elle participer à la thérapie ?
En identifiant et en verbalisant les traumatismes qui expliquent certains cas d’obésité. Un tel accompagnement peut aussi réparer les dégâts causés par la maladie et permettre de retrouver un équilibre psychologique. Par exemple, en redonnant confiance en elles à des personnes souvent blessées, car exclues de l’école, de l’emploi et de la vie sociale. Avec mes patients, nous travaillons aussi sur les pensées inconscientes créées par certains régimes, comme la culpabilisation des envies. L’obésité empêche également de vivre dans le présent : les individus obèses ont tendance à se sentir « en transit », ils regrettent le passé ou ne croient qu’en l’avenir. Ils tiennent leur corps à distance, fuyant les miroirs et les appareils photo. Ces mécanismes de défense encore peu connus des médecins les empêchent de diriger leurs patients obèses vers un psychologue. Une démarche pourtant essentielle.