Les industries agroalimentaires à l’épreuve de la transparence
Les quantités d’énergie, de glucides, de sucres simples, de lipides, d’acides gras saturés, de protéines et de sodium pour 100 grammes sont désormais indiquées sur tous les produits. D’autant plus qu’une réglementation européenne a rendu cet étiquetage nutritionnel obligatoire à compter du 13 décembre 2016. Le problème, c’est que personne, ou presque, ne lit ces informations trop complexes et écrites en corps 6 au dos des emballages ! La loi de santé de 2015 a donc travaillé à la création d’un logo, facultatif, simple à comprendre, indiquant la qualité nutritionnelle globale de l’aliment. Le professeur Serge Hercberg, nutritionniste, a proposé un système de notation des produits en cinq couleurs, allant du vert, la meilleure note, au rouge, la moins bonne. Mais face à la levée de boucliers des industries agroalimentaires, le gouvernement a reporté sa mise en place et proposé une expérimentation de quatre logos différents. Ces derniers ont donc été testés dans quarante magasins durant dix semaines. Plusieurs industriels défendaient le choix d’un logo reposant sur une notation non plus globale, mais par nutriments (sel, sucre, gras), afin de ne pas « stigmatiser des produits ». Menée par le Fond français pour l’alimentation et la santé (FFAS), lui-même financé par l’industrie, cette expérimentation a fait débat. Ce qui a entraîné le départ de plusieurs chercheurs du comité de pilotage, dont le PDG de l’Inserm. Elle est néanmoins arrivée à son terme début décembre et ses premières conclusions sont attendues en mars 2017.
Peser sur les industriels
Le logo nutritionnel vise bien sûr à mieux informer le consommateur. Mais, au-delà, l’objectif est surtout de « pousser les industriels à changer la composition de leurs produits lorsque ceux-ci seront « mal notés » », explique le professeur Hercberg, pilote des PNNS. « Depuis quinze ans, poursuit le spécialiste, les PNNS proposent aux industriels volontaires des chartes les engageant à améliorer leurs recettes. Des progrès notables ont été réalisés dans la teneur en gras, en sel ou en sucre. Cela montre bien que ce changement est possible. » Mais seules 35 entreprises, qui ne sont pas parmi les plus grandes, ont signé de telles chartes. « Il faut donc une volonté politique qui rende contraignant ce changement encore trop marginal », affirme le professeur Hercberg.
La défense de l’industrie
Du côté des industriels, on met le holà. Chez Nestlé, par exemple, qui produit les barres chocolatées Kit Kat, Jérôme François, directeur général marketing et communications consommateurs, rappelle que « le chocolat est par définition un aliment riche ». Il soutient également qu’« un produit ne peut se juger seul. L’important est la manière dont il est accompagné ». Nestlé propose ainsi sur ses boîtes de pizzas surgelées des suggestions d’accompagnements pour équilibrer le repas. Quoi qu’il en soit, la composition des produits agroalimentaires, serpent de mer politique, devrait devenir un enjeu de plus en plus prégnant face à la demande croissante de transparence des citoyens. En juillet dernier, encore, le sénateur des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini s’inquiétait dans une question écrite à la ministre de la Santé des « taux élevés de sucres cachés dans certains aliments industriels, déjà gras et salés, comme les pizzas, les chips, mais également dans des mayonnaises ou sauces dites allégées », conduisant « à ingérer des doses de sucre bien supérieures à la recommandation journalière de 50 grammes de l’OMS, d’où les risques d’obésité, de diabète ou de maladies cardiovasculaires ».